RMN : quand la chimie tourne à grande vitesse

Résultats scientifiques

Des scientifiques ont repoussé les limites de la résonance magnétique nucléaire (RMN) pour explorer les matériaux complexes comme des catalyseurs ou des composants de batteries. Ils ont pour cela mis au point un système de rotation ultra-rapide de l’échantillon, à plus de 100 kilohertz, qui permet d’obtenir des spectres de haute résolution, même pour des matériaux paramagnétiques. Une étude publiée dans Angewandte Chemie International Edition qui fait tourner la tête.

La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) en phase solide est un outil puissant pour décrypter les propriétés des solides à l’échelle atomique. Toutefois, l’analyse des matériaux contenant des ions métalliques paramagnétiques reste un sérieux défi. Ces ions, avec leurs électrons non appariés, perturbent les signaux RMN et rendent les spectres difficilement interprétables. Or on les retrouve dans de très nombreux systèmes d’intérêt comme les catalyseurs ou certains composants de batteries. Cette limite actuelle de la RMN est un défi qui occupe de très nombreux chercheurs et ingénieurs à travers le monde, tant le bénéfice de pouvoir étudier ces matériaux par RMN en vue d’optimiser leurs propriétés serait grand.

Grâce à l’introduction de la rotation à l'angle magique ultra-rapide, à des fréquences dépassant 100 kHz, et de nouveaux schémas d’impulsions adaptés, une équipe internationale de scientifiques1  vient de surmonter cet obstacle. La rotation à l’angle magique est une technique clé en RMN qui réduit les interférences spectrales en faisant tourner l’échantillon selon un angle précis par rapport au champ magnétique. Jusqu’ici, cette technique s’avérait cependant peu efficace pour les solides paramagnétiques. Une des limites vient de la vitesse maximale à laquelle peuvent tourner les rotors qui entrainent l’échantillon.

Les scientifiques se sont précisément attelés à la mise au point de nouveaux rotors miniaturisés fabriqués dans des matériaux robustes et conçus pour supporter des vitesses extrêmes, bien au-delà des fréquences de 30 à 60 kHz habituelles. Ces innovations, associées à des irradiations optimisées, ont été testés sur quelques matériaux emblématiques, réputés difficiles à étudier par RMN: un complexe luminescent à base de terbium, un catalyseur sensible à l’air contenant du fer et des matériaux de cathodes pour batteries lithium-ion. Dans chaque cas, la rotation ultra-rapide a permis d’obtenir des informations précises sur la structure électronique et géométrique des échantillons, données inaccessibles jusqu’ici mais très utiles pour optimiser les propriétés fonctionnelles de ces matériaux.

En rendant des spectres de haute qualité accessibles pour des systèmes autrefois considérés comme intractables, ce développement permet de franchir un cap important en RMN. Publiée dans la revue Angewandte Chemie International Edition, cette avancée majeure pour la compréhension des matériaux complexes va faire tourner la tête.

Rédacteur: AVR

  • 1Du Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard), de IFP Energies nouvelles, de l Université de Cambridge et de la division Bruker Biospin de la société Bruker

Référence

Resolving Structures of Paramagnetic Systems in Chemistry and Materials Science by Solid-State NMR: the Revolving Power of Ultra-Fast MAS
Jonas Koppe, Kevin J. Sanders, Thomas C. Robinson, Arthur L. Lejeune, David Proriol, Sebastian Wegner, Armin Purea, Frank Engelke, Raphaële J. Clément, Clare P. Grey, Andrew J. Pell & Guido Pintacuda.
Angewandte Chemie International Edition 2024
https://doi.org/10.1002/anie.202408704

La rotation des échantillons à plus de 100 000 tours par seconde, combinée à des impulsions adaptées en RMN du solide, permet d’obtenir des spectres à haute résolution même pour des matériaux complexes et/ou paramagnétiques © Guido Pintacuda

Contact

Andrew J. Pell
Chercheur au Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard)
Guido Pintacuda
Chercheur au Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard)
Communication CNRS Chimie