Réparer les os avec des matériaux biomimétiques
Des scientifiques du CNRS, en collaboration avec des praticiens hospitalo-universitaires, des vétérinaires et des universitaires, ont développé des biomatériaux innovants qui reproduisent non seulement la composition chimique de l'os, mais aussi sa microarchitecture tridimensionnelle. Ces matériaux pourraient significativement améliorer la qualité de la réparation osseuse de l'autogreffe par rapport aux céramiques, nécessairement macroporeuses, qui se résorbent difficilement et entraînent la formation d’un os avec un faible taux de remodelage.
Le tissu osseux est composé d'une matrice hybride organique/inorganique essentiellement constituée de fibrilles d’une protéine appelée collagène et de nanoparticules d'apatite (HA), la phase cristalline la plus stable du phosphate de calcium. C’est cette composition unique qui confère aux os leurs propriétés mécaniques.
L'os est un tissu remarquable qui présente une impressionnante capacité d'autoréparation. Cependant, en cas de défauts importants, cette capacité innée de régénération est souvent insuffisante. Les approches traditionnelles de réparation osseuse reposent sur l’utilisation de greffes d’os autologue, c’est-à-dire dont le donneur et le receveur sont la même personne. Ces greffes sont très efficaces en raison de leurs propriétés biologiques qui garantissent l’acceptation de la greffe, une bonne croissance osseuse et un réseau vasculaire établi.
Ces greffes d’os autologue présentent néanmoins certaines limitations, comme une certaine morbidité liée au site donneur et la disponibilité d'une quantité suffisante d'os pour le prélèvement. C'est pourquoi la recherche s’est orientée vers le développement de substituts osseux alternatifs capables d’accompagner efficacement la régénération des tissus. Les céramiques et en particulier les biocéramiques, matériaux à base minérale, sont largement utilisées dans la pratique clinique pour la réparation des tissus osseux. Si elles présentent des propriétés mécaniques (rigidité) optimales, leur résorption dans l'organisme reste perfectible notamment car les propriétés conférées par la matrice organique y sont absentes (vidéo).
Dans ce contexte, des scientifiques du Laboratoire de chimie de la matière condensée de Paris (CNRS/Sorbonne Université), en collaboration avec des praticiens hospitalo-universitaires (Université Paris Cité, Université Paris Nord, Hôpital Bichat, INSERM), des vétérinaires (IMM) et des universitaires (ENS Lyon), ont développé des matériaux conçus par auto-assemblage biomimétique qui gouverne l'agencement précis du collagène et de l'apatite. Ils obtiennent une structure plus proche de celle de l'os naturel que celle de tous les biomatériaux existants sur le marché.
Une batterie de techniques d’analyse dont l'histopathologie, la tomographie assistée par ordinateur, la diffusion des rayons X à grand angle, la microindentation et la microscopie électronique, a été mise en place pour évaluer les performances biologiques, mécaniques et structurelles de ces nouveaux matériaux. Les résultats démontrent leur capacité à améliorer de manière significative la qualité de la réparation osseuse par rapport aux céramiques. Ces matériaux biomimétiques favorisent non seulement la colonisation cellulaire mais permettent aussi aux processus naturels de résorption et de remodelage de se développer, conduisant à une guérison plus rapide et complète. De plus, ces résultats démontrent pour la première fois que les motifs structuraux de la matrice de l’os peuvent être impliqués dans ses performances en tant que greffe.
Ces travaux, publiés dans Nature, ouvrent de nouvelles voies pour le développement de biomatériaux compétitifs pour la réparation et la régénération osseuse, mais aussi pour l'établissement de modèles pertinents permettant d'améliorer notre compréhension fondamentale de la biominéralisation osseuse.
Rédacteur : CCdM
Référence
Marc Robin, Elodie Mouloungui, Gabriel Castillo Dali, Yan Wang, Jean-Louis Saffar, Graciela Pavon-Djavid, Thibaut Divoux, Sébastien Manneville, Luc Behr, Delphine Cardi, Laurence Choudat, Marie-Madeleine Giraud-Guille, Anne Meddahi-Pellé, Fannie Baudimont, Marie-Laure Colombier & Nadine Nassif
Mineralized collagen plywood contributes to bone autograft performance
Nature 2024
https://doi.org/10.1038/s41586-024-08208-z
Réparer les os avec des matériaux biomimétiques
EDTA/acid-demineralized porcine bone maintains its shape and exhibits self-standing and cohesive properties
Supplementary Video 1 in Mineralized collagen plywood contributes to bone autograft performance published in Nature 636, pages 100–107 (2024): https://doi.org/10.1038/s41586-024-08208-z
© Nadine Nassif / CNRS