Quel verdict pour l’avenir de la science des matériaux ?
A mi-chemin entre la conférence et le spectacle, les audiences du Tribunal pour les Générations Futures s’inspirent de la mise en scène du procès pour débattre des grands sujets d’avenir. Les chimistes Lola Lilensten et Mathilde Laurent-Brocq se sont emparées de ce format original pour aborder la question du futur de la science des matériaux.
Comment vous est venue cette idée d’organiser un Tribunal pour les Générations Futures sur la question des matériaux ?
Alors que nous participions au comité d’organisation des journées annuelles de la Société française de métallurgie et de matériaux [qui ont eu lieu à Paris du 18 au 21 novembre 2024], nous avons souhaité proposer un moyen de nous interroger sur nos pratiques de recherche et leur impact sur l’environnement. Nous voulions créer un espace où prendre de la distance sur cette thématique cruciale aujourd’hui.
Nous avions déjà pu assister à d’autres éditions du Tribunal pour les Générations Futures (TGF) à titre personnel et ce format nous avait enthousiasmées. Après de nombreux échanges, nous avons convergé sur la question : « Faut-il encore inventer de nouveaux matériaux ? » qui a structuré notre événement. Nous avons ensuite sélectionné nos témoins pour représenter un large panel de thématiques, d’approches, de milieux : la recherche académique et industrielle, le passé avec l’histoire des matériaux, le futur avec la science-fiction. La cour, composée de deux doctorants, a été choisie pour qu'ils portent les interrogations des générations futures. Leurs sujets de recherche leur permettaient aussi d'avoir du recul sur le sujet.
En quoi est-ce un format intéressant pour la médiation auprès du grand public ?
Le format du TGF nous a paru pertinent pour plusieurs raisons. La première est la diversité des points de vue abordés. Les témoins de plusieurs bords sont interrogés par l’accusation et la défense, ce qui oblige à présenter ses connaissances sous différents angles. La présence d’un panel d’intervenants varié permet de proposer aux spectateurs une synthèse de plusieurs arguments et d’élargir leur réflexion. Le deuxième atout du TGF est son aspect abordable pour le public. Les discussions se font de manière ludique. On est à mi-chemin entre une conférence et un spectacle, avec des échanges scénarisés et surtout drôles !
Confiantes que ce format original allait trouver son public, nous avons largement ouvert cet événement. Nous avons reçu les inscriptions de 150 acteurs du monde de la recherche, 200 étudiants du supérieur (IUT, master, école d’ingénieurs), mais également 120 personnes de la société civile. Nous avons aussi fait le choix d’inclure une de ces dernières parmi les cinq jurés. Cette ouverture répond à un objectif de transparence mais aussi à la volonté d’impliquer les citoyens dans les réflexions sur les orientations de la science. Nous avons également effectué une captation vidéo et édité une version condensée, disponible gratuitement en ligne depuis le 9 janvier, qui permettra à l’événement de vivre une seconde vie, dans un contexte pédagogique par exemple. Nous espérons que sa rediffusion rencontrera du succès !
Quels arguments-phares ont été mis en avant par les témoins et les membres de la cour ?
Nous avons essayé, lors de la préparation du script, de couvrir de nombreux aspects : le besoin d'augmenter la performance des matériaux mais aussi l'effet rebond généré par ces améliorations et les difficultés de gérer la fin de vie de ces matériaux (c’est-à-dire leur recyclage) ; le plaisir de la découverte scientifique et de la recherche de pointe, mais aussi l'instrumentalisation de l'ego des chercheurs et la perte de contrôle sur les développements qui suivent ; l'innovation technique au cours du temps, ce qu'elle a permis en bien mais aussi en mal (le sixième continent de plastique, l'amiante...). Pour plus de détails, il faudra aller regarder la vidéo !
Quelle suite allez-vous donner à cet événement ?
Les discussions pendant le TGF ont confirmé qu’il ne faut pas voir les choses tout en noir ou tout en blanc : les facteurs sont nombreux et les implications complexes. Elles nous ont aussi montré la force de l'intelligence collective et de la réflexion commune quand différents acteurs se mettent autour de la table et échangent de façon argumentée et constructive. La décision finale du jury, que vous découvrirez dans la vidéo, a été assortie de nombreuses recommandations, sur lesquelles nous espérons pouvoir travailler dans les mois et années à venir !
Bande-Annonce Tribunal pour les Générations Futures "Faut-il encore inventer des matériaux?"
Le 19 novembre dernier, le tribunal pour les générations futures "faut-il encore inventer des matériaux?" avait lieu. Pendant cette conférence-spectacle, en reprenant la mise en scène d’un procès, des experts, bien réels, ont comparu à la barre d’un tribunal fictif. Ce fut l’occasion de débattre en profondeur, et dans la bonne humeur, de l’avenir de la recherche en matériaux dans le contexte de l’urgence climatique.
Audiodescription
Tribunal pour les Générations futures "Faut-il encore inventer des matériaux?"
Retrouvez ici le tribunal pour les générations futures « Faut-il encore inventer des matériaux ? », qui s’est tenu le mardi 19/11/2024 dans le cadre des Journées annuelles 2024 de la SF2M. En reprenant la mise en scène d’un procès, des experts, bien réels, ont comparu à la barre d’un tribunal fictif, dont le public est le jury. Ce format a permis de débattre en profondeur, et dans la bonne humeur, de l’avenir et de l’orientation de la recherche en matériaux dans le contexte de l’urgence climatique !