Quand mélanger fait mousser

Résultats scientifiques

L’écume c’est joli, mais la formation de cette mousse passagère à la surface de certains mélanges de liquides agités peut s’avérer très problématique pour leur écoulement et leurs propriétés. C’est le cas notamment des lubrifiants pour moteurs de voitures électriques ou de certaines huiles utilisées dans l’industrie agroalimentaire. Bien que ce phénomène de moussage soit connu, aucune explication claire ni d’outil pour contrôler son apparition n’ont jamais été donnés. Des chercheurs du PIC (Total/CNRS/Sorbonne Université/ESPCI) ont récemment trouvé l’origine de cet effet. Leurs travaux, publiés dans Physical Review Letters, permettent d’entrevoir des solutions pour contrôler le moussage et les problèmes d’écoulement et de lubrification dans de nombreux mélanges d’hydrocarbures.

On entend par écume la formation d’une mousse transitoire à la surface d’un liquide agité. La mer nous en donne de très beaux exemples, notamment au printemps lorsque les protéines organiques dues à la décomposition du plancton sont très présentes. L’ébullition d’un liquide sucré, comme la confiture, s’accompagne également d’une formation d’écume plus ou moins épaisse et durable liée à la cristallinité du sucre. Bien que le phénomène soit tout autre et beaucoup moins bien compris, une couche d’écume peut aussi apparaître de façon imprévisible lorsqu’on agite un mélange de liquides pourtant miscibles. Un exemple très problématique est le moussage des mélanges d’huiles lubrifiantes utilisées dans les boites de vitesses des moteurs de voitures électriques. Comme on peut s’y attendre, une huile pure même secouée ne mousse pas. Dans ce cas, en effet, les films liquides formés entre les bulles d’air s’amincissent et se rompent si rapidement qu’on ne peut observer les bulles à l’œil nu. En revanche, ce phénomène est considérablement ralenti dans certains mélanges de liquides pour lesquels on peut observer la formation d’écume. Des scientifiques du Laboratoire Commun PIC (Total/CNRS/Sorbonne Université/ESPCI) ont étudié ce phénomène et en donnent une explication quantitative à partir de mesures expérimentales et modélisation de la tension de surface de ces mélanges en fonction de la concentration.  Un premier constat important est que les concentrations de chaque liquide du mélange sont très légèrement différentes entre le volume et la surface malgré leur miscibilité. Qui plus est, lorsque la tension de surface du mélange varie de façon non linéaire en fonction de la concentration d’un des deux liquides, le mélange aura tendance à mousser. Les chercheurs en déduisent un comportement de type « tensio-actif » du liquide à la plus faible tension de surface qui stabilise la formation de mousse transitoire sous agitation. Ces travaux, publiés dans Physical Review Letters, apportent un éclairage dans le domaine des écoulements de fluides complexes et devraient permettre d'améliorer les lubrifiants pour moteurs, l’écoulements du pétrole dans les pipelines ou encore certaines transformations de l’industrie agro-alimentaire.

Audiodescription

Référence

H.-P. Tran, M. Arangalage, L. Jørgensen, N. Passade-Boupat, F. Lequeux, and L. Talini, Understanding Frothing of Liquid Mixtures: A Surfactantlike Effect at the Origin of Enhanced Liquid Film Lifetimes, Phys. Rev. Lett, 21 Octobre 2020.

DOI: 10.1103/PhysRevLett.125.178002

 

 


 

Contact

Laurence Talini
Directrice de recherche, Surface du Verre et Interface, CNRS/Saint Gobain Recherche
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS