Quand des bulles sonores boostent la catalyse

Résultats scientifiques

Des scientifiques ont mis au point une technique unique pour décupler l’efficacité de réactions chimiques catalytiques. Ils exploitent pour cela l’énergie libérée par des bulles qui se forment à la surface de particules de catalyseur lorsque le milieu réactionnel est traversé par des ultrasons. Ce procédé, qui transforme l’énergie sonore en chaleur localisée, pourrait révolutionner les procédés chimiques industriels et environnementaux.

Un des défis majeurs de la chimie est d’améliorer le rendement des réactions catalytiques sans gaspiller d’énergie ni générer de pollution. En plus d’un catalyseur adéquat, ces réactions nécessitent habituellement de l’énergie apportée sous forme de chaleur et des réactifs chimiques parfois agressifs. Des recherches menées à l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers) permettent d’envisager un processus alternatif où l’énergie proviendrait simplement d’ondes sonores ! C’est ce que permet le phénomène de cavitation, qui se produit lorsqu’un liquide est parcouru par des ultrasons. De microbulles se forment puis implosent violemment en libérant localement une énergie colossale qui peut faire monter la température à plus de 1000 K (environ 730 °C) et la pression de plusieurs centaines de bars.

Malheureusement, dans un liquide homogène, ces bulles implosent et dissipent leur énergie de manière aléatoire. C’est ici que la nouvelle approche des scientifiques entre en jeu : ils ont conçu des particules de catalyseur, ici de l’oxyde de cuivre (CuO), capables de piéger ces bulles et de concentrer leur énergie précisément là où elle est nécessaire. Les scientifiques ont ainsi développé des micro-particules de CuO présentant des cavités spécifiques, jouant le rôle de sites de stabilisation pour les bulles de cavitation. Grâce à ces microstructures, les bulles restent fixées à la surface du catalyseur jusqu’à leur implosion, permettant une concentration d’énergie directement sur le matériau. Cela évite les pertes d’énergie dans le liquide et génère un effet thermique ultra-localisé.

Ils ont ensuite testé cette approche sur la dégradation d’un polluant organique par une réaction d’oxydation catalytique en solution. Le résultat est impressionnant. Sans apport de chaleur, l’efficacité de la réaction a été multipliée par 276 %. L’implosion des bulles chauffe localement la surface du catalyseur jusqu’à 360 °C, décuplant son activité catalytique alors que la température globale du liquide reste pratiquement constante.

Cette découverte pourrait révolutionner plusieurs secteurs de la chimie. Dans le domaine de la dépollution, elle permettrait de décomposer efficacement des polluants organiques dans l’eau en utilisant uniquement des ultrasons et un catalyseur solide. En synthèse chimique, elle pourrait réduire la consommation d’énergie et limiter les sous-produits indésirables. L’équipe de scientifiques compte à présent élargir cette étude à d’autres types de catalyseurs que les particules d’oxyde de cuivre utilisées ici. Ces résultats, publiés dans Angewandte Chemie International Edition, ouvrent la voie à une chimie plus efficace, propre et durable.

Rédacteur : AVR

Référence

Localized Oxidative Catalytic Reactions Triggered by Cavitation Bubbles Confinement on Copper Oxide Microstructured Particles
Valarmathi Mahendran, Quang Thang Trinh, Xie Zhangyue, Umesh Jonnalagadda, Tim Gould, Nam-Trung Nguyen, James Kwan, Tej S. Choksi, Wen Liu, Sabine Valange, François Jérôme & Prince Nana Amaniampong
Angewandte Chemie International Edition 2024
https://doi.org/10.1002/anie.202416543

Contact

Prince Nana Amaniampong
Chercheur à l'Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers)
Communication CNRS Chimie