Perla : vers une électronique flexible grâce aux fluides conducteurs
Le projet Perla (1) proposé par Philippe Poulin vise à développer des fluides conducteurs à base de particules de carbone. Il est l’un des lauréats des bourses ERC advanced 2023.
Bien souvent, les fils électriques en cuivre sont une entrave au développement de certains dispositifs souples comme par exemple les sondes médicales ou les robots conçus pour se faufiler dans d’étroits boyaux et cavités du corps humain. Trop rigides, ils sont une limite à la liberté de mouvement. Si au lieu de câbles, on pouvait utiliser des fluides pour transporter le courant, on y gagnerait en flexibilité. C’est là le but du projet Perla, lauréat d’une bourse de l’ERC, proposé par Philippe Poulin, directeur de recherche au Centre de recherche Paul Pascal.
Lorsqu’il était étudiant, Philippe Poulin ne pensait pas devenir chercheur. Il s’imaginait plutôt professeur de lycée. Toutefois, en 1992, avant de se lancer dans l’enseignement, il décide de faire un stage dans un laboratoire de recherche. Un stage qui change le cours de sa carrière. « La science enseignée à l’université est assez figée, encadrée, comme si tout était bien établi. Lors de ce stage de recherche j’ai découvert à quel point la science est ouverte. Il y a tellement de choses qu’on ne comprend pas, même dans les objets très quotidiens », explique Philippe Poulin. Pour lui, la science en marche est bien plus passionnante que celle des livres de cours.
En 1995 il obtient son doctorat à l’Université de Bordeaux et part à Philadelphie pour un post-doctorat. Là, il fait partie d’une équipe qui, pour la première fois, réussit à produire des émulsions de cristaux liquides. De retour en France en 1998, il entre au Centre de Recherches Paul Pascal. Ses 25 ans de carrière son émaillés de résultats remarquables et de distinctions telles que la médaille de bronze du CNRS en 2002, et la médaille d’argent en 2020.
Parmi ses découvertes les plus marquantes, la mémoire de température des polymères. « Si vous donnez une forme à un polymère à une certaine température et qu’ensuite vous le chauffez, vous retrouvez sa la forme initiale à cette même température », rappelle Philippe Poulin. Cette propriété surprenante pourrait trouver des applications dans le biomédical et la robotique. Elle permettrait en effet de créer des dispositifs souples qui se déploient et se déforment lorsqu’ils sont soumis à une température bien définie.
Autre volet des recherches de Philippe Poulin : l’utilisation de nanotubes de carbone et de fibres de carbone. Lorsque ces particules légères et conductrices sont mélangées à d’autres matériaux, elles leur offrent de nouvelles propriétés mécaniques, thermiques ou électriques. De là vient le projet Perla que le Conseil européen de la recherche vient de récompenser. Son but : explorer les propriétés de fluides dans lequel surnagent des particules cylindriques de carbone. En théorie, le mouvement de rotation de ces particules lorsque le fluide s’écoule devrait produire un réseau capable de transporter les électrons. Mieux encore, on pourrait faire varier la conductivité du fluide en fonction de sa vitesse d’écoulement. Ces sont là des propriétés inédites que Philippe Poulin se propose de sonder. Ces fluides conducteurs pourraient trouver des applications dans l’électronique flexible et la robotique, mais aussi dans le stockage de l’énergie.
Le projet est risqué admet Philippe Poulin, mais le champ de recherches qu’il laisse entrevoir est vaste et prometteur. « La bourse ERC nous permet de financer un projet très fondamental. Je suis heureux de la confiance des évaluateurs et conscient de la responsabilité confiée. »
(1) Percolation and conductivity of fluids containing rod-like particles