Olivier Joubert, un chercheur boosté à l’hydrogène
Difficile de parler des technologies liées à l’hydrogène sans parler d’Olivier Joubert. Dans ce domaine, le chercheur cumule les casquettes et on le retrouve souvent comme référent CNRS pour ces questions énergétiques. Dans son laboratoire, son attention se porte sur les matériaux. Des matériaux à destination de la transformation de l’hydrogène en électricité, évidemment.
Même lorsqu’il court le long de l’Erdre, le chercheur Nantais Olivier Joubert ne laisse jamais son esprit s’éloigner de son sujet de recherche : l’hydrogène. Entre deux foulées, sur sa pause du midi, il peut difficilement s’empêcher de jeter un œil au Navibus-H2, la navette fluviale propulsée grâce à des piles à hydrogène. L’utilisation de l’hydrogène comme source d’énergie est l’obsession d’Olivier Joubert. Impossible d’y couper : il est à la fois le représentant du CNRS pour l’Afhypac, association de promotion des piles à hydrogène, le directeur d’un groupement de recherche rassemblant 77 laboratoires travaillant sur l’hydrogène (HySPàC) et le directeur de l’équipe de recherche « Matériaux pour pile à combustible et électrolyseur » à l’Institut des matériaux Jean Rouxel (CNRS/Université de Nantes). Dans ces conditions, difficile de laisser son esprit s’évader trop loin de sa science. « J’y parviens tout de même », dément le marathonien entre deux respirations. « Mais plutôt en cuisinant ou en bricolant », s’amuse-t-il.
Le travail d’Olivier Joubert est une quête de nouveaux matériaux pour les piles à combustible et les électrolyseurs. « Le dihydrogène est idéalement produit par un électrolyseur qui transforme l’eau en ses 2 constituants grâce à l'électricité », explique brièvement le chercheur. « Le dihydrogène peut ensuite être stocké, transporté et utilisé dans une pile à combustible pour produire de l’électricité. La réaction ne dégage que de l’eau et un peu de chaleur. » Dans ce cycle, l’hydrogène devient « vecteur d'énergie », tout comme l’électricité. À chaque bout de cette chaîne, des réactions chimiques ont lieu au niveau des électrodes et de l'électrolyte de la pile ou de l'électrolyseur. C’est le cœur même des recherches d’Olivier Joubert : « Il faut comprendre que ces réactions chimiques produisent ou utilisent de l’électricité et des particules chargées électriquement. L’électricité circule à l’extérieur de la pile, d’une électrode à l’autre et peut servir à alimenter un appareil électrique. Les particules chargées, les ions, circulent eux à l’intérieur de la pile, à travers l’électrolyte. Le problème, c’est la lenteur des réactions chimiques aux électrodes et des ions qui circulent dans l’électrolyte. Mon apport à la science, si je peux m’exprimer ainsi, c’est de trouver des matériaux d’électrodes et des matériaux d'électrolyte qui soient de bons conducteurs ioniques. Plus précisément, je recherche des matériaux céramiques qui possèdent ces propriétés. »
Une recherche exploratoire
Visuellement, un électrolyseur peut se comparer aux images des premières piles à colonne de Volta, inventées en 1800. À la place d’un assemblage de cuivre et de zinc, Olivier Joubert alterne des plaques de céramiques (électrode-électrolyte-électrode) qu’il fabrique. Tout l’enjeu se situe alors dans la découverte de matériaux capables de transporter les ions efficacement à des températures intéressantes. « Pour ne donner qu’un seul exemple, j’ai breveté avec EDF un oxyde composé de baryum, d’indium et de titane. C’est un excellent matériau, dont la conductivité ionique est 100 fois supérieure à celle du matériau usuel à la même température. » Ce matériau aurait même pu être utilisé dans des piles à combustible SOFC (Solid Oxide Fuel Cell, piles à combustible céramiques fonctionnant à haute température) mais il peine à trouver sa place dans l’industrie. « Il est difficile de se confronter au transfert de technologie, explique laconiquement Olivier Joubert. Changer les matériaux dans un processus industriel oblige quasiment à repenser toute la ligne industrielle. »
Cette recherche exploratoire est pleine d’incertitude et il arrive que des opportunités se présentent là où on ne les attendait pas. « L’année dernière, nous avons publié sur un matériau céramique fait de borate de potassium. Il possède une conductivité étonnante que nous n’avions pas prévue. Au lieu de conduire les ions oxygène, il conduit les ions potassium. C’était intéressant mais nous nous sommes arrêtés là car sa conductivité était faible. Sauf qu’aujourd’hui, des équipes de recherche s’intéressent de près aux batteries tout solide et ce matériau est réutilisé dans des recherches que nous n’avions pas imaginées à l’époque et qui ouvrent de nombreuses perspectives. » La preuve que la contribution au grand livre de la science, même si elle ne semble pas essentielle au moment de l’écriture, finira toujours par servir à quelqu’un, quelque part.