Nickelates : un état supraconducteur stabilisé sans dopage
Les cuprates, des oxydes à base de cuivre, sont célèbres pour leurs propriétés supraconductrices à haute température. Leur dopage, processus qui consiste à introduire des atomes étrangers (dopants) dans la structure du matériau, permet de moduler leurs propriétés électroniques et de favoriser leur supraconductivité. Il influence en effet la répartition des électrons ou des trous dans le réseau, modifiant les interactions électroniques à l’origine du phénomène.
Découvertes plus récemment, les propriétés de supraconductivité des films minces de nickelates1 , très similaires à celles des cuprates, suscitent un engouement dans la communauté de recherche. De nombreuses études tentent d'établir une comparaison directe entre la physique de ces deux systèmes.
Dans ce contexte, des scientifiques de l’Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg) viennent de montrer que l’origine de la supraconductivité dans les nickelates doit être considérée comme un phénomène à part entière. Leurs résultats montrent en effet que, contrairement aux cuprates, l’état supraconducteur des nickelates peut être stabilisé sans avoir recours au dopage.
Ces résultats ont été obtenus pour des couches de nickelates de praséodyme PrNiO2 (Ni1+) non dopées, stabilisée par réduction topotactique2 de couches minces de la phase pérovskite PrNiO3 (Ni3+) déposées sur substrats de SrTiO3(Image). Diverses techniques de microscopie et spectroscopies ont été utilisées pour montrer que cet état n'est pas le résultat d'une source indésirable de dopage chimique. La microscopie électronique en transmission par balayage a notamment permis de mettre en évidence l’absence d'atomes oxygène résiduels et/ou excédentaires. Des mesures de spectroscopie d'absorption (XAS) et de diffusion résonante inélastique des rayons X (RIXS) menées à la source de rayonnement synchrotron ESRF (Grenoble-France) ont montré pour le nickel des caractéristiques correspondant en tous points à celles attendues pour le Ni1+ réduit. Cet électron arraché au nuage électronique du nickel par la réduction topotactique est suffisant pour provoquer la supraconductivité, sans avoir recours à une modification de la structure par dopage. Le très haut degré de qualité cristalline observé pour leurs échantillons pourrait même être un facteur clé dans l’observation de la supraconductivité. Une découverte parue dans Advanced Materials.
Rédacteur : CCdM
- 1Ce terme désigne principalement des matériaux où le nickel est combiné avec une terre rare ou avec de l'oxygène dans des structures cristallines spécifiques.
- 2La réduction topotactique désigne un type de transformation chimique dans laquelle un matériau subit une réduction (perte d'oxygène ou gain d'électrons) tout en conservant une structure cristalline ou une organisation atomique similaire à celle de l'état initial.
Référence
Hoshang Sahib, Aravind Raji, Francesco Rosa, Giacomo Merzoni, Giacomo Ghiringhelli, Marco Salluzzo, Alexandre Gloter, Nathalie Viart, Daniele Preziosi
Superconductivity in PrNiO2 infinite-layer nickelates
Advanced Materials 2025
https://doi.org/10.1002/adma.202416187
