Mieux comprendre le mode d’action des structures amyloïdes dans la mort cellulaire

Résultats scientifiques Vivant et santé

Les peptides PSMα3 secrétés par certaines bactéries pathogènes comme le Staphylococcus aureus contribuent à leur virulence et aux infections graves provoquées chez l'humain. Au contact ou non des cellules, ils sont susceptibles de s’agréger sous une forme fibrillaire, similaires aux protéines amyloïdes connues pour être à l’origine de plusieurs maladies neurodégénératives et infectieuses. Des scientifiques du CNRS montrent en quoi cette forme particulière participe à la toxicité et la virulence de cette bactérie.

Les protéines amyloïdes sont des protéines qui forment des agrégatsfibrillaires appelés « plaques amyloïdes » lorsqu'elles s'accumulent dans les tissus. Sous cette forme, les protéines agrégées perturbent la fonction normale des cellules entraînant des dommages irréversibles dans les tissus affectés. Ces plaques sont à l’origine de plusieurs maladies neurodégénératives et infectieuses.

Aucun consensus n’est à ce jour proposé pour expliquer la toxicité de ces protéines amyloïdes. Cela s’explique par notre méconnaissance des mécanismes d’agrégation de ces protéines, mais aussi par le manque de caractérisations physiques des différentes espèces formées au cours du processus qui pourraient avoir des rôles distincts dans l’interaction avec les membranes cellulaires, et in fine dans la mort cellulaire.

Des études récentes ont montré que les peptides PSMα3 secrétés par certaines bactéries pathogènes comme les Staphylococcus aureus étaient susceptibles de former des structures fibrilaires similaires aux protéines amyloïdes. Ces PSMα3 (phenol-soluble modulins alpha 3), connus pour contribuer à la virulence et au caractère infectieux de S. aureus chez l'humain, sont capables de détruire des cellules, notamment les cellules immunitaires. On sait également qu’ils participent à la formation debiofilms très résistants aux antibiotiques et aux défenses immunitaires. Leur toxicité serait-elle liée à cette forme d’agrégation et si oui, quels sont alors les mécanismes mis en jeu ?

Des scientifiques de l'Institut de chimie et biologie des membranes et des nano-objets (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) ont étudié la liaison de PSMα3 à des membranes biomimétiques, et l'influence de la composition de la membrane dans la promotion de son agrégation fibrillaire pour parvenir à la forme amyloïde. La microscopie à force atomique a révélé qu’en s'allongeant, les agrégats pouvaient s'insérer dans la membrane et l'endommager voire la perforer, entraînant la mort des cellules hôtes, dommages également confirmés par spectroscopie infrarouge. .

Ces résultats parus dans Nanoscale Horizons apportent un éclairage nouveau sur le mode d'action jusqu'ici méconnu des entités amyloïdes de PSMα3, qui s'agrègent avec des membranes cellulaires spécifiques et en modifient l'organisation. Comprendre comment les PSMα3 induisent la perturbation membranaire, et donc in fine la destruction des cellules hôtes, permettrit, à plus long terme, d’envisager de nouvelles thérapies, ciblant des déterminants particuliers de la virulence des pathogènes S. aureus, avec pour objectif de réduire l’antibiorésistance.

 

Rédacteur : CCdM

Référence

Laura Bonnecaze, Katlyn Jumel, Anthony Vial, Lucie Khemtemourian, Cécile Feuillie, Michael Molinari, Sophie Lecomte & Marion Mathelié-Guinlet
N-Formylation modifies membrane damage associated with PSMα3 interfacial fibrillation
Nanoscale Horizons 2024
https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2024/nh/d4nh00088a

Contact

Marion Mathelié-Guinlet
Chercheuse à l’Institut de chimie et biologie des membranes et des nano-objets (CBMN - CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP)