Matériaux colloïdes verts pour les condensateurs de demain

Résultats scientifiques

Un défi majeur de l’électronique miniaturisée est d’améliorer la densité d'énergie des condensateurs électrostatiques par la mise au point de matériaux performants, écologiques et économiques. Dans une étude parue dans la revue Advanced Functional Materials, des chimistes du CNRS présentent une nouvelle classe de condensateurs à base de nanoparticules combinées à un polymère naturel et préparés dans l’eau à basse température.

A l’heure de la miniaturisation des systèmes électriques intégrés dans des objets de plus en plus petits, un enjeu majeur est d'améliorer la densité énergétique des condensateurs* diélectriques, composants essentiels de ces circuits. Si les nanocomposites polymères ont un grand potentiel comme condensateurs à haute densité d'énergie, la plupart d'entre eux sont préparés par mélange à l’état fondu à haute température ou par traitement en solution dans des solvants organiques dangereux, ce qui pose des problèmes pour l'environnement. Le développement de nouveaux matériaux diélectriques** performants reste donc un vrai défi économique et écologique.

Dans une étude parue dans la revue Advanced Functional Materials, des chimistes du Centre de recherche Paul Pascal (CNRS/Université de Bordeaux) présentent une nouvelle classe de matériaux diélectriques à haute densité d'énergie fabriqués en complexant électrostatiquement des nanoparticules (latex de polymère ou colloïde inorganique) chargées négativement avec le chitosane, un polymère naturel chargé positivement. Ces matériaux diélectriques sont préparés en solution dans l’eau et présentent des performances de stockage d'énergie capacitif supérieures aux polymères conventionnels traités par solvant ou fusion.

Plus concrètement, ces matériaux sont des complexes entre le chitosane qui se comporte comme un polyéletrolyte dans l’eau et un latex du polyfluorure de vinylidène. Pour un mélange à charges égales, les champs électriques maximaux que ces films complexes peuvent supporter sont largement améliorés tandis que les pertes diélectriques sont significativement réduites, ce qui conduit à une capacité de stockage d'énergie supérieure à celle des condensateurs conventionnels. Ce concept de matériau très polyvalent a pu être validé avec plusieurs systèmes, des latex polymères aux suspensions de colloïdes inorganiques, offrant ainsi une nouvelle perspective pour la conception de matériaux d'énergie respectueux de l'environnement. Plus fondamentalement, les résultats apportent de nouvelles perspectives sur les mécanismes qui contrôlent la polarisation dans les nanocomposites colloïdaux sous de hauts champs électriques.

*Un condensateur, composant essentiel à de nombreux circuits électriques, est un accumulateur de charge constitué de deux armatures conductrices appelées « électrodes », très proches l'une de l'autre, séparées par un isolant appelé « diélectrique ». Sa densité énergétique est la quantité d'énergie qu’il peut stocker par rapport à son poids et à sa taille.

**Un matériau diélectrique est un matériau non conducteur (qui ne contient pas de charges électriques susceptibles de se déplacer), mais qui peut présenter à l'échelle atomique des dipôles électrostatiques qui créent une polarisation lorsqu’on applique un champ électrique externe. C’est ce qui permet l’accumulation de charges opposées sur les deux armatures d’un condensateur dans un circuit électrique.

Matériau diélectrique préparé dans l’eau et composé d’un polymère naturel cationique, le chitosane, complexé à des colloïdes inorganiques ou des latexs de polymères négativement chargés. © Jinkai Yuan

Référence

High-Energy-Density Waterborne Dielectrics from Polyelectrolyte-Colloid Complexes
Junjin Che, Cécile Zakri, Isabelle Ly, Wilfrid Neri, Eric Laurichesse, Jean-Paul Chapel, Philippe Poulin & Jinkai Yuan
https://doi.org/10.1002/adfm.202213804

Contact

Jinkai Yuan
Chercheur au Centre de recherche Paul Pascal (CNRS/Université de Bordeaux)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS