Maguy Jaber, une spécialiste des argiles pétrie d’interdisciplinarité

Résultats scientifiques

Où qu’elle soit, Maguy Jaber décrypte son environnement. Une déformation professionnelle ou un tropisme naturel pour cette chimiste qui synthétise et caractérise les matériaux argileux[1] dans les objets du patrimoine au Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale (LAMS[2]) à Sorbonne Université. L’Année internationale de la minéralogie est l’occasion de revenir sur le parcours de cette professeure passionnée d’enseignement dont les champs croisent chimie, archéologie, histoire de l’art.

Pluridisciplinaire dans l’âme, Maguy Jaber, aussi loin qu’elle s’en souvienne, a toujours voulu comprendre le monde qui l’entoure. Dès l’adolescence au Liban, son pays natal, elle est attirée par toutes les sciences. « Difficile de faire un choix entre sciences humaines et sciences dures », avoue la chercheuse. « Je voulais être avocate, dit-elle en riant, je m’étais inscrite en Licence de droit et de chimie. Mais j’ai privilégié la chimie, tout en espérant qu’un jour j’associerai mon travail à d’autres domaines. » Aujourd’hui, au sein du laboratoire dont elle la directrice adjointe, le LAMS, elle est en lien constant avec des historiens et des archéologues, accomplissant ainsi ses rêves de jeunesse.

Ce parcours, elle le doit à sa détermination et à de nombreuses expériences. D’abord une thèse sur la synthèse des argiles et leurs applications dans le domaine de la dépollution des eaux et des sols.

« Les argiles sont des matériaux lamellaires semblables à des mille-feuilles avec de nombreuses applications dans les domaines de l’environnement, de la santé, de  l’isolation thermique ou même de la nutrition animale.» résume-t-elle.

Puis, enseignante à l’ENS à Paris, Maguy Jaber obtient une délégation de recherche au CNRS pour continuer sa recherche sur les argiles, cette fois dans le domaine des origines de la vie. « L’idée était de comprendre comment, pourquoi et dans quelles conditions, les argiles ont joué un rôle fondamental dans le développement de la vie. Vertigineux ! » s’exclame-t-elle.

De la Genèse du vivant à la recherche sur les biens du patrimoine, il y a un chemin de traverse qu’emprunte Maguy Jaber, à la faveur du déménagement de son unité (LRS) lors du désamiantage de Jussieu. Différents laboratoires se retrouvent provisoirement logés à Ivry-sur-Seine et l’enseignante-chercheuse voisine le LAMS dirigé par Philippe Walter. Elle lui explique son expertise sur les argiles et leurs dérivés hybrides « … lui me parlait peinture de la Renaissance, colorants, pigments… » raconte-t-elle. La discussion dura deux heures et la scientifique qui aimait les sciences humaines intégra, sur concours en 2014, l’équipe du LAMS en tant que professeure. Conventionné avec des musées prestigieux tels que le Prado en Espagne ou le Musée du Capodimonte en Italie, le LAMS est équipé d’instruments d’analyse portables qui permettent aux scientifiques de travailler sur site. C’est ainsi que la chimiste évoque avec émerveillement un passage dans la vallée des Nobles en Égypte.

Entre archéologie, histoire de l’art et chimie, le LAMS se focalise sur l’évolution des objets du patrimoine à différentes échelles du temps : étude d’œuvres d’art, de textiles anciens, de vernis du désert ou encore de fossiles. Maguy Jaber plonge alors dans l’univers des pigments et décode leurs langages. « Pour la peinture, je travaille sur la synthèse de pigments, leur photostabilité et leur dialogue chimique avec les liants, je fais de l’archéomimétisme» explique-t-elle. « En dehors du secteur culturel, nous travaillons aussi avec un grand groupe industriel. L’analyse des pigments permet de s’inspirer des techniques anciennes pour se projeter dans le futur en utilisant des matériaux biosourcés meilleurs pour la planète»

Peut-on poursuivre deux passions à la fois ? C’est ce que l’on demande à tout bon professeur et pour Maguy Jaber, il n’est pas possible de s’investir dans un sujet sans assurer aussi sa transmission aux jeunes générations. C’est pourquoi elle a développé au cours des années de nombreux parcours et formations originaux. Cette ouverture scientifique est aussi une qualité qui lui est utile dans sa fonction de directrice adjointe scientifique de l’Institut de chimie du CNRS.

Par Zahra Muyal

 

[1] Maguy Jaber est aussi présidente du Groupe français des argiles -  (gfa.asso.fr)

[2] UMR 8220 LAMS - unité mixte de recherche CNRS et faculté des sciences et ingénierie de Sorbonne Université - http://www.umr-lams.fr/

Contact

Maguy Jaber
Enseignante-chercheuse au Laboratoire d'archéologie moléculaire et structurale (CNRS/Sorbonne Université) et Directrice adjointe scientifique pour l'interdisciplinarité à l'Institut de chimie