Lydia Sosa Vargas cultive son jardin moléculaire pour une énergie plus durable
Lydia Sosa Vargas, chercheuse à l'Institut parisien de chimie moléculaire (IPCM - CNRS / Sorbonne Université) cultive son « jardin moléculaire » grâce à une chimie bioinspirée en vue d’élaborer des matériaux organiques pour l’électronique organique.
« Synthétiser une molécule, c’est un peu comme cultiver une plante, » explique Lydia Sosa Vargas, spécialiste de l’autoassemblage de polymères. Pour cette chercheuse de 39 ans, son laboratoire est un « jardin moléculaire ». Inspirée par la nature, elle crée, entre autres, des espèces chimiques capables d’absorber l’énergie solaire pour la transformer en électricité. Comme les plantes, ces molécules s’élèvent au-dessus d’un substrat pour mieux capter et mieux transmettre l’énergie lumineuse.
Née au Puebla, Mexique, de parents chercheurs, elle baigne dans la science depuis toute petite. Elle s’oriente naturellement vers la chimie. « En chimie, on travaille avec des matériaux qu’on peut toucher, qu’on peut manipuler. Ce qui me plaisait c’est l’aspect ‘hands on’» Mais voilà, au Mexique, les moyens alloués à la recherche sont maigres. Elle sait que, pour poursuivre sa vocation scientifique, elle devra chercher d’autres horizons. Après, un stage de recherche au Canada, un doctorat au Royaume-Uni, un postdoctorat au Japon, elle arrive en France en 2015 pour un deuxième postdoctorat à l'Institut parisien de chimie moléculaire (IPCM - CNRS / Sorbonne Université). Deux ans plus tard, elle entre au CNRS.
Son domaine de recherche principal est celui de l’électronique organique, c’est-à-dire le développement de nano-composants électroniques, par exemple des diodes ou des transistors, fabriqués à base de molécules organiques et polymères. C’est une nouvelle électronique basée sur le carbone et la chimie organique qui se dessine. Elle s’intéresse tout particulièrement aux matériaux ayant des propriétés optiques, c’est-à-dire des molécules qui émettent de la lumière ou qui réagissent à une impulsion lumineuse. « L’idée est de remplacer les composants basés sur des éléments chimiques coûteux et difficiles d’accès, comme les terres rares, par des composants organiques basés sur le carbone, », explique Lydia Sosa Vargas.
L’une des applications majeures de ces polymères est le photovoltaïque. Actuellement, les cellules photovoltaïques les plus communes sont à base silicium. Leur production demande énormément d’énergie et coûte cher. Une des voies pour réduire l’empreinte carbone et le prix des panneaux solaires serait de remplacer le silicium par des composés organiques. Ces derniers ont, en outre, l’avantage d’être flexibles, ce qui permettrait de produire des films photovoltaïques aussi souples qu’un tissu. « On disait que le photovoltaïque organique ne se développerait jamais car l’efficacité des matériaux organiques n’atteindrait jamais celle du silicium. Aujourd’hui, les nouveaux polymères atteignent des rendements de 20%, ce qui est déjà compétitif », se réjouit-elle.
Lydia Sosa Vargas participe à cette quête d’un photovoltaïque de nouvelle génération en développant des molécules efficaces et capables de s’autoassembler sur un substrat en graphène de façon à former une couche homogène. « Ce que j’aime dans mon travail c’est qu’on va plus loin que la synthèse. On suit le processus jusqu’à la fabrication d’une cellule photovoltaïque ou d’un composant électronique. C’est un travail en commun avec des physiciens et des ingénieurs. »
Outre son travail au laboratoire, Lydia Vargas Sosa maintient des liens étroits avec des chercheurs au Mexique. Elle mène des collaborations scientifiques et organise des échanges d’étudiants entre Sorbonne Université et l’Université Autonome du Mexique. Elle fait aussi partie de plusieurs sociétés savantes, comme la Royal Society of Chemistry, l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée (IUPAC) ou la Société Chimique de France, dont elle est présidente de la section Île-de-France. « Quand on est expatrié, » explique-t-elle, « on doit chercher à développer son réseau de contacts et de collaborations. C’est une façon de s’intégrer au pays d’accueil. »
Sebastian Escalon