L’utilisation d’objets moléculaires magnétiques est-elle pour bientôt en spintronique ?

Résultats scientifiques

Des chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg (CNRS / Université de Strasbourg) et du Laboratoire Jean Perrin (CNRS / Sorbonne Université) ont réussi à contrôler le spin d’une molécule magnétique avec des champs électriques pulsés. Ceci ouvre une possibilité pour l’utilisation en spintronique d’objets magnétiques moléculaires dont la fabrication est simple, peu coûteuse, que l'on peut déposer en surface pour élaborer des dispositifs et qui combinent propriétés magnétiques et propriétés optiques. Ces travaux sont publiés dans la revue Journal of the American Chemical Society, dont ils font la couverture.

Dans les applications de la spintronique, le contrôle des nano-objets magnétiques par des champs magnétiques est comparable à l’utilisation d’une presse hydraulique ; l’interaction est forte et de longue portée, mais elle a du mal à isoler un seul objet, qui est forcément de dimensions nanométriques. Il est également difficile de réaliser un contrôle dans des temps courts tels qu'exigés par les applications technologiques. Une alternative, vivement explorée ces dernières années, est le contrôle par des champs électriques. L’interaction avec des nano-objets ressemble alors à celle d’un scalpel : bien localisée et de courte portée, elle est aussi capable d’être modulée très rapidement. Par contre, elle est très faible dans la majorité des cas : les objets magnétiques ne sont généralement pas très sensibles aux champs électriques, ce qui rend leur contrôle électrique très difficile.
Mais ceci n’est pas toujours le cas, il semble possible aujourd’hui de remplacer ces sortes de « presses hydrauliques » par des « scalpels », grâce à un couplage « magnétoélectrique » : on peut alors contrôler l’aimantation de certains matériaux par des champs électriques, et inversement, la polarisation électrique par des champs magnétiques.
Des chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg (CNRS / Université de Strasbourg) et du Laboratoire Jean Perrin (CNRS / Sorbonne Université) avaient montré qu’une molécule magnétique trimétallique, un « triangle de spin », se comportant comme un doublet de spin, présente un couplage magnétoélectrique, et peut ressentir des champs électriques statiques. Aujourd’hui, ces mêmes chercheurs ont réussi à utiliser des impulsions électriques pour contrôler l’aimantation de cette molécule magnétoélectrique de manière dynamique. Ce contrôle temporel est important pour l’utilisation de telles molécules dans des applications spintroniques telles que le calcul quantique à base de spin et d'intrication quantique. De plus, ils ont identifié des facteurs qui peuvent déterminer l’intensité de ce couplage magnétoélectrique dans des complexes métalliques, permettant la découverte d’autres molécules magnétoélectriques, des propriétés ameliorées et mieux adaptées pour des applications spintroniques.


Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du programme de recherche européen MSCA-IF H2020 « CHIRALQUBIT » (projet No 746060).

Références :

Jérôme Robert, Nathalie Parizel, Philippe Turek, Athanassios K. Boudalis*
Polyanisotropic Magnetoelectric Coupling in an Electrically Controlled Molecular Spin Qubit

Journal of the American Chemical Society, 2019, 141, 19765 - Décembre 2019
DOI: 10.1021/jacs.9b09101

Contact

Athanassios Boudalis
Chercheur à l'Institut de chimie de Strasbourg (CNRS/UNISTRA)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS