L’Institut de chimie souhaite la bienvenue à Richmond Sarpong, ambassadeur CNRS des sciences chimiques

Entretiens

The CNRS Institute of Chemistry welcomes Richmond Sarpong as the Ambassador in Chemical Sciences.

Le 13 juin 2023, Richmond Sarpong débutera une série de conférences dans plusieurs laboratoires français en tant qu'Ambassadeur CNRS des sciences chimiques*. Professeur de chimie à l'Université de Californie Berkeley (USA), ses recherches se focalisent sur le développement de nouveaux outils puissants pour l’optimisation de synthèse de produits naturels.

  • Qu'est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans le domaine de la synthèse de produits naturels ?

 J'ai grandi en Afrique et j'ai vu l'impressionnant pouvoir des molécules organiques produites par des organismes vivants (produits naturels) pour guerir des maladies. On constate d’ailleurs qu’environ la moitié des médicaments actuellement sur le marché s’inspirent de molécules naturelles. Tout le monde connait la pénicilline, produit naturel par excellence. J’ai plus particulièrement été impressionné par l'effet produit par le médicament « ivermectine » sur la réduction substantielle du nombre élevé de cas de cécité au Ghana, mon pays d’origine. L'ivermectine est synthétisée en laboratoire à partir d'un métabolite secondaire appelé avermectine. Ce métabolite, produit par une bactérie, a d'abord été extrait du sol au Japon par Satoshi Omura, qui a obtenu le prix Nobel de médecine 2015 pour cette découverte. J’ai eu envie de comprendre comment des molécules comme les ivermectines agissaient pour soigner les maladies et je me suis promis d’apprendre tout ce que je pouvais sur ce domaine. J’ai tout d’abord pensé qu’une bonne façon d’y parvenir serait de devenir médecin. Mais j’ai réalisé que, si les médecins pouvaient impacter la vie de milliers de personnes au cours de leur carrière, arriver à imaginer et produire une molécule souhaitée pour traiter une maladie pouvait avoir un impact encore plus considérable.

Pour ces raisons, j’ai décidé de me spécialiser en synthèse organique ce qui me permettrait d'acquérir la meilleure expertise pour extraire des organismes vivants, de la manière la plus efficace possibles, des principes actifs que je pouvais ensuite modifier à volonté pour améliorer leurs performances. Plus que toute autre chose, c'est le désir de faire progresser un champ de recherche contribuant au maintien et à l'amélioration de la santé humaine qui m'a poussé à me lancer dans la synthèse de substances naturelles.

  • Selon vous, quel sera le développement le plus important dans votre domaine dans 5, 10 et 25 ans ?

La chimie organique, au cœur des synthèses réalisées par les organismes vivants, est apparue il y a près de 200 ans. La première synthèse totale de l'urée, produit d’origine naturelle, par Frederich Wohler en 1828, est souvent notée comme marquant le début du domaine de recherche. On pourrait ainsi s'attendre à ce qu’il ait maintenant atteint sa pleine maturité. Je ne partage pas ce sentiment, et je pense même qu’il est à l'aube d'une révolution majeure.

Au cours des deux derniers siècles, le domaine s'est concentré sur de nouvelles façons de coupler différents fragments - c'est-à-dire de créer de nouveaux liens chimiques. Cependant, le processus de construction de molécules reste toujours source de beaucoup d’incertitudes et le succès n'est toujours pas garanti. On obtient parfois de très faibles rendements du produit souhaité, avec la formation en parallèle de nombreux sous-produits pas toujours simples à éliminer. Le rêve de tout chimiste serait de concevoir un schéma de synthèse théorique infaillible, capable de lever toutes les incertitudes, et d'exécuter, et de n’avoir plus qu’à le suivre avec un taux de réussite de 100 %. J’imagine que dans les prochaines années, l’intelligence artificielle sera en mesure d’analyser de manière suffisamment fine ces 200 dernières années pour parvenir à esquisser des protocoles réactionnels totalement fiables. Des progrès dans l'apprentissage automatique et le paramétrage de toutes les variables pertinentes pour la synthèse organique émergent continuellement. Aux Etats-Unis, c’est le National Science Foundation Center for Computer Assisted Synthesis (NSF CCAS), dont mon laboratoire est membre, qui concentre les efforts dans ce domaine.

Une seconde piste de réflexion concerne la manière dont nous conférons aux molécules que nous synthétisons des propriétés spécifiques (appelée fonctionnalisation), comme par exemple des fonctions biologiques. Nul doute que dans les prochaines années, nous verrons apparaître de nouvelles méthodologies de rupture pour les liaisons carbone-carbone, carbone-azote, carbone-oxygène qui, une fois couplées aux avancées réalisés dans le contrôle de la création de nouvelles liaisons, nous permettront de construire de manière plus rationnelle des molécules organiques présentant des fonctions spécifiques.

  • En tant qu'ambassadeur CNRS des Sciences Chimiques*, qu'attendez-vous le plus de votre tournée de conférences ?

J'ai eu la chance de visiter la France à plusieurs reprises à l’occasion de conférences comme la réunion de la French American Chemical Society à Avignon (2014), le congrès annuel de la Société chimique de France à Paris (2015) ou la réunion du GECO-59 à Caen (2018), où j’ai pu interagir avec des personnalités inspirantes, établies, professeurs et jeunes chercheurs talentueux et prometteurs. Ce que j'ai le plus apprécié dans ces interactions avec mes collègues français, c'est leur recul par rapport à leur travail et les questions que les recherches génèrent perpétuellement. Le choix du questionnement qui guide l’orientation de nos travaux est essentiel car, lorsque les ressources, humaines et financières, sont limitées, il faut prioriser uniquement les activités les plus importantes. J’ai donc hâte d’échanger à nouveau avec eux à l’occasion de cette tournée pour essayer de relever au mieux les nombreux défis sociétaux auquel le monde entier est confronté, plus particulièrement tout ce qui touche à la santé. Bon nombre des solutions à ces défis seront développés, voire initiés, par nos jeunes collègues dynamiques et curieux de niveau doctoral et universitaire (premier cycle). C’est également avec eux que je suis impatient de forger des collaborations durables centrées sur ces objectifs communs.

(*) En 2019, l'Institut de chimie du CNRS a initié le programme « Ambassadeurs des sciences chimiques en France ». Son ambition ? Permettre à de prestigieux chercheurs étrangers de visiter une série de laboratoires français actifs dans leur domaine. Ces visites comprennent non seulement des conférences de haut niveau par l'ambassadeur, mais sont également une occasion d'établir des contacts préliminaires et de favoriser des collaborations internationales pour les laboratoires français visités.

Rédacteur : CCdM

Calendrier des conférences

Date                       Lieu                        Contact et laboratoire d’accueil               

13/06/2023              Rouen                     Thomas Castanheiro & Hélène Beucher

                                                                Laboratoire de chimie organique, bioinorganique,

                                                                réactivité et analyse

15/06/2023              Paris                       Louis Fensterbank

                                                               Institut parisien de chimie moléculaire

19/6/2023                Strasbourg             Frédéric Leroux

                                                               Laboratoire d’innovation moléculaire et applications

21/6/2023                Marseille                Yoann Coquerel & Hervé Clavier

                                                              Institut des sciences moléculaires de Marseille

23/6/2023                Bordeaux              Yannick Landais

                                                             Institut des sciences moléculaires

Contact

Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC