L'infrastructure de recherche Infranalytics est née
Faciliter l’accès à des équipements analytiques de pointe pour des communautés scientifiques pluridisciplinaires, françaises et internationales, c’est le challenge de l’infrastructure de recherche Infranalytics*. A l’occasion de son lancement le 15 mars 2022, Carine Van Heijenoort, chercheuse à l'Institut de chimie des substances naturelles (CNRS) et porteuse de ce projet, nous en dit plus.
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Infranalytics est une infrastructure de recherche qui rassemble des spectromètres qui existaient déjà. Pourquoi cette volonté de les rassembler au sein d’une nouvelle entité ?
Plusieurs raisons sont à l’origine de ce projet. Tout d’abord, ces trois techniques analytiques, à savoir la RMN, la spectrométrie de masse FT-ICR et la RPE, exploitent chacune des interactions entre la matière et des champ magnétiques qui leur confèrent des capacités uniques de sonder la matière sous toute ses formes à l’échelle atomique ou moléculaire, qu’elle soit gazeuse, liquide, solide, cristalline ou amorphe, complexe ou à base de mélanges, statique ou en évolution dynamique… Et plus le champ magnétique est élevé, meilleures sont la sensibilité et la résolution des expériences. Ensuite, elles apportent chacune une vision différente de l’objet d’étude. Différente, et donc complémentaire ! Pour prendre un exemple : la spectroscopie de masse va permettre aux scientifiques de déterminer les formules chimiques de chacun des composants de mélanges très complexes, mais aura du mal à caractériser la structure tridimensionnelle et la flexibilité intrinsèque de chaque entité, ce que la RMN peut faire. Lorsque des espèces radicalaires sont présentes, c’est alors la RPE qui prend le relais.
D’où l’envie de faire dialoguer ces trois communautés, qui s’étaient déjà rassemblées autour de chacune des techniques, pour faire naître de ces interactions inévitablement pluridisciplinaires de nouveaux questionnements, mais aussi des développements expérimentaux originaux combinant les atouts de chaque spectroscopie.
Infranalytics, c’est aussi pour nous l’occasion de mutualiser et rationaliser l’utilisation de ces équipements parfois très coûteux, et dont la maintenance et le développement nécessitent des ingénieurs hautement qualifiés. Historiquement, ces trois techniques se sont développées autour de questionnements portés par la communauté des chimistes au sens large, allant du fonctionnement des batteries à celui des mécanismes biologiques complexes. Permettre à toutes ces disciplines de se nourrir et s’enrichir mutuellement en partageant compétences, interrogations et pratiques, à travers les dialogues qui seront privilégiés au sein d’Infranalytics, est un objectif majeur du projet.
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Et comment comptez-vous mettre en place cette synergie entre les compétences qu’apportent les différents partenaires ?
Nous avons créé plusieurs groupes de travail chargés de réfléchir à l’optimisation des structures à mettre en place pour atteindre nos objectifs et qui permettent aux experts des trois techniques d’interagir régulièrement et de créer les synergies attendues.
Un site unique pour les demandes de projets va très prochainement permettre l’attribution du temps de mesure et d’expertise mis à la disposition de la communauté scientifique (demandes évaluées par des experts extérieurs), à hauteur de 30% du temps global de fonctionnement des appareils.
Une équipe optimise des outils de communication internes et externes pour faciliter les échanges entre les différentes communautés vouées à se rencontrer.
Une réflexion de fond est également menée sur le traitement, le stockage et l’accessibilité des données et des métadonnées, produites en grande quantité au cours des mesures, et qui sont de nature très variées selon les techniques.
Enfin, une scientifique référente, en interaction constante avec tous les sites d’Infranalytics, développe les relations avec les industriels en leur proposant les outils les mieux adaptés à leurs demandes et en explorant les opportunités de partenariats public/privé.
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Et le rôle du CNRS dans ce projet ?
Il est fondamental. L’énorme atout du CNRS, c’est sa vision nationale et pluridisciplinaire du paysage de la recherche. A la fois dans sa dimension géographique - Infranalytics rassemble 19 unités dont 18 sont en co-tutelle avec le CNRS - mais aussi dans l’expression des attentes des communautés. C’est le seul organisme qui peut donner cette image globale nécessaire à la mise en place d’une politique scientifique indispensable pour tirer le meilleur parti de ces équipements dont il faut rappeler que la plupart sont extrêmement coûteux, à l’achat mais aussi dans leur fonctionnement.
Pour rester dans des considérations financières, on peut regretter le manque de poids financier du CNRS par rapport aux régions, par exemple, qui supportent une part importante des investissements. Ceci étant, le CNRS joue un rôle crucial dans l’accompagnement des scientifiques qui s’investissent dans des projets très ambitieux, en interagissant avec tous les autres partenaires, universitaires, collectivités locales, industriels… afin que les montages financiers impliquant souvent de nombreux partenaires puissent voir le jour.
Je tiens aussi à souligner l’effort important réalisé par l’Institut de chimie du CNRS qui accompagne ce projet de manière soutenue. L’INC est l’organisme qui attribue le plus de postes d’ingénieur(e)s hautement qualifié(e)s sans lesquel(le)s il est impossible de faire fonctionner ces appareils aussi complexes. 104 des 182 personnes qui contribuent au fonctionnement d’Infranalytics sont des agents CNRS. Et environ 50% de notre budget de fonctionnement est supporté par l’INC.
* Infranalytics rassemble les instruments de l’Infrastructure de recherche en résonance magnétique nucléaire à très hauts champs (RMN – THC), du Réseau national de résonance paramagnétique électronique (RPE) interdisciplinaire (RENARD) et du Réseau national de spectrométrie de masse FT-ICR à très haut champ (FT-ICR).
Rédacteur : CCdM