Des protéines modèles (superoxyde dismutase 1, en orange) dans un environnement moléculaire encombré, visualisées à l’aide de simulations moléculaires multi-échelles.© Gnutt et al. 2019

Les protéines influencées par l’encombrement des cellules

Résultats scientifiques Vivant et santé

Le degré de stabilité d’une protéine lui permet de conserver sa forme ou de se déformer si besoin pour remplir une fonction. Or l’environnement dans lequel ces protéines évoluent est très encombré, notamment de macromolécules, et les protéines sont donc soumises à de nombreuses interactions. Des scientifiques de l’Institut de biologie physico-chimique (CNRS) ont montré que la prise en compte de ces interactions est indispensables pour comprendre les conséquences que peuvent avoir des mutations génétiques sur la stabilité des protéines. Ces travaux sont publiés dans la revue JACS.

De nombreuses mutations génétiques liées aux maladies affectent la stabilité des protéines, c’est-à-dire leur capacité à conserver leur forme et par suite leur fonction. Certaines protéines doivent aussi pouvoir modifier leur conformation pour remplir leur fonction, comme les enzymes qui se déforment au cours de la catalyse, ou pour permettre la division cellulaire. Or l'intérieur des cellules est un environnement extrêmement encombré, dont la majeure partie est occupée par diverses macromolécules. L'influence de cet encombrement sur la vie d'une protéine, en particulier sa stabilité, reste mal connue. Une équipe de l’Institut de biologie physico-chimique (CNRS) s’est ainsi intéressée à cette influence, pour mieux comprendre les conséquences des mutations.

En collaboration avec des collègues allemands, les scientifiques ont étudié une protéine modèle à l’aide d’une technique d’imagerie à l’échelle de la molécule-unique supportée par une modélisation numérique multi-échelles. Ils ont montré que des interactions sporadiques avec les macromolécules environnantes, appelées « interactions quinaires », peuvent amplifier ou inverser les effets de mutations ponctuelles sur la stabilité des protéines.

Plus la surface de la protéine est en interaction avec les biomolécules environnantes, plus le réseau interne de liaisons de la protéine est affaibli et moins la protéine est capable de garder sa forme. Une mutation qui vient significativement interrompre ou renforcer les interactions quinaires aura donc une influence sur la stabilité de la protéine. Ces interactions pourraient ainsi jouer un rôle dans les mauvais repliements de protéines ou les agrégations à l’origine de maladies comme la sclérose latérale amyotrophique1 . Ces résultats montrent qu’il est crucial de tenir compte des interactions quinaires dans les études des mutations et des maladies qu’elles engendrent. En outre, ils montrent une fois de plus la synergie décisive entre approche expérimentale et modélisation moléculaire, dont le groupe de l’IBPC est expert.

  • 1Maladie neurodégénérative grave qui se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire (notamment respiratoire), la phonation et la déglutition.

Référence

David Gnutt, Stepan Timr, Jonas Ahlers, Benedikt König, Emily Manderfeld, Matthias Heyden, Fabio Sterpone, Simon Ebbinghaus
Stability Effect of Quinary Interactions Reversed by Single Point Mutations

Journal of American Chemical Society – Février 2019
DOI: 10.1021/jacs.8b13025

Contact

Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Sophie Félix
Chargée de communication