L’électrochimie, un procédé de synthèse durable des médicaments

Résultats scientifiques Environnement Vivant et santé


Dans le cadre d’une étude récemment publiée par la revue Journal of the American Chemical Society, des chercheurs de l’Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d'Orsay (Université Paris Sud/CNRS) ont mis au point une méthode originale de désaromatisation des indoles, des composés précurseurs de molécules thérapeutiques, en s’appuyant sur l’électrochimie. À la clé : un arsenal de nouvelles molécules biologiquement actives et un procédé de synthèse plus respectueux de l’environnement.

Les indoles sont des composés présents dans de nombreuses substances naturelles, principalement extraites de végétaux. Leur structure chimique aromatique, c’est-à-dire cyclique et plane, leur confère des propriétés biologiques particulières. Des dérivés indoliques sont ainsi utilisés comme médicaments anticancéreux ou anti-inflammatoires. Une piste actuellement exploitée pour synthétiser de nouvelles molécules thérapeutiques consiste à « désaromatiser » les indoles. Cette réaction qui se traduit par le passage de leur forme plane à une forme tridimensionnelle, repose sur une oxydation réalisée à l’aide d’oxydants chimiques. Mais parce que cette réaction implique l’ajout d’un réactif (l’oxydant), elle génère une quantité non négligeable de déchets réactionnels, qui doivent ensuite être éliminés.

Spécialistes du domaine, des chercheurs de l’Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d'Orsay (ICMMO) ont eu l’idée de recourir à l’électrochimie - soit au courant électrique appliqué entre deux électrodes - pour réaliser cette oxydation. Au lieu du composé oxydant, la réaction est effectuée grâce aux électrons. Le procédé offre deux avantages : il évite la production de déchets réactionnels et il permet d’optimiser la sélectivité et donc le rendement de la réaction, par le choix de l’intensité du courant électrique entre les électrodes. Si l’électrochimie est utilisée depuis longtemps dans d’autres domaines (principe des batteries au lithium par exemple), son intérêt pour la synthèse organique est récent et encore peu exploré.

A l’issue de leurs travaux, les chercheurs de l’ICMMO ont établi les conditions réactionnelles optimales pour mener à bien cette désaromatisation électrochimique de l’indole (en évitant les réactions parasites de suroxydation ou de polymérisation), tout en lui associant de nouveaux groupes fonctionnels (oxygénés et azotés) et permettant ainsi de produire un nouvel éventail de dérivés d’indoles actifs biologiquement. Un résultat qui fournit aux chimistes médicinaux et à l’industrie pharmaceutique une méthode inédite de synthèse de médicaments en accord avec les enjeux de la chimie verte.

 

Référence

Ju Wu, Yingchao Dou, Régis Guillot, Cyrille Kouklovsky et Guillaume Vincent
Electrochemical Dearomative 2,3-Difunctionalization of Indoles
Journal of the American Chemical Society - Janvier 2019
DOI:10.1021/jacs.8b13371

Contact

Guillaume Vincent
Chercheur à l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (CNRS/Université Paris-Saclay)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Sophie Félix
Chargée de communication