Le prix Yeager récompense la carrière de Dominique Guyomard au service des batteries
Les recherches sur le stockage de l’électricité dans les batteries connaissent toujours d’importants développements scientifiques. Dominique Guyomard, directeur de recherche émérite à l’Institut des matériaux Jean Rouxel (IMN, CNRS/Université de Nantes), a ainsi travaillé sur les premières batteries au lithium et exploré de nombreux arcanes du domaine. Ses riches contributions lui valent de recevoir le prestigieux prix Yeager 2021 de l’International battery materials association, l’occasion de revenir sur une brillante carrière.
130 congrès prestigieux, 380 publications et 35 brevets, Dominique Guyomard a durablement marqué le monde de la recherche sur les batteries. Fasciné par les sciences, il a d’abord intégré l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI). Il confirme sa passion pour la recherche et les thématiques liées à l’énergie lors de son doctorat, sur la conversion solaire par voie photoélectrochimique.
Dominique Guyomard est ensuite entré au CNRS, à l’Institut des matériaux Jean Rouxel, pour mieux comprendre le comportement des matériaux utilisés pour diverses applications, dont le stockage d’électricité. Il ne reste cependant pas longtemps à Nantes et part pour le New Jersey, où il rejoint à Bellcore[1] l’équipe de Jean-Marie Tarascon, fondateur du Réseau de stockage électrochimique de l’énergie du CNRS (RS2E) et actuellement professeur au Collège de France à la chaire « Chimie du solide et énergie ».
« J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec lui au début des années 90 et d’étudier les premières batteries lithium-ion, que l’on retrouve partout aujourd’hui, se souvient Dominique Guyomard. Cela se faisait avant tout le monde et en secret. Sony a été le premier à mettre des batteries d’une technologie un peu différente sur le marché, puis je suis revenu à Nantes pour des raisons personnelles. » Dominique Guyomard et son équipe ont alors initié une longue et fructueuse collaboration avec Blue Solutions, filiale du groupe Bolloré, sur une alternative aux batteries lithium-ion : les batteries lithium-métal-polymère (LMP).
Les chercheurs ont exploré des solutions contre le vieillissement et amélioré les performances de ces batteries tout-solide, c’est-à-dire dont l’électrolyte est solide. Cette caractéristique les immunise face aux risques d’explosion ou de combustion. Les premiers modèles ont été mis sur le marché en 2009. « Les batteries tout-solide ont le vent en poupe en ce moment, mais nous travaillons déjà dessus avec Blue Solutions depuis plus de vingt ans ! », souligne Dominique Guyomard.
Fort de ce succès, son équipe est ensuite revenue sur le domaine des batteries lithium-ion et a multiplié les partenaires industriels : Renault, Solvay, Umicore, EDF, STMicroelectronics… « Nous allons jusqu’au prototype de laboratoire et les industriels opèrent le changement d’échelle, explique Dominique Guyomard. C’est très stimulant pour les scientifiques et ça participe à une recherche utile à la société. »
Ses travaux ont surtout concerné l’amélioration des matériaux composant les électrodes, mais aussi sur l’électrolyte qui permet la circulation des ions, et donc du courant, dans la batterie. Il a également étudié en détail les interfaces, c’est-à-dire les zones de contact entre les différents matériaux, puisque c’est là que se concentrent les phénomènes de vieillissement. Cette caractérisation s’est opérée de l’échelle atomique à l’échelle macroscopique, grâce à des techniques comme la résonnance magnétique nucléaire et la microscopie électronique.
Cette carrière riche et productive a été couronnée, fin 2021, par le prix Yeager de la société savante International battery materials association (IBA). « Même si cette distinction exceptionnelle est à mon nom et que j’en suis très fier, il est évident que je n’ai pas accompli ce travail seul, insiste Dominique Guyomard. J’ai collaboré avec de nombreuses équipes et scientifiques et, ces dernières années, je me suis beaucoup orienté vers la promotion à l’international des travaux de mes collaborateurs. »
[1] L’un des prestigieux laboratoires privés Bell, alors gérés par le groupe télécom AT&T. Neuf prix Nobel y ont été obtenus.