Le Prix international de la Société de chimie de coordination japonaise récompense les recherches de Marc Robert en faveur de la transition énergétique
Après avoir rejoint la liste 2023 des “Highly Cited Researcher”, Marc Robert, Professeur au Laboratoire d’électrochimie moléculaire (CNRS/Université Paris Cité) se voit décerner le Prix international 2024 de la Société de chimie de coordination du Japon. Une distinction remise avant lui au Nobel Jean-Pierre Sauvage et à Pierre Braunstein.
Que représente pour vous ce prix qui vous sera remis lors de la 74e conférence de la Société japonaise de chimie de coordination les 18-20 septembre 2024 à l’Université de Gifu ?
Ce prix récompense une contribution au développement de la chimie de coordination par des réalisations exceptionnelles ou des recherches pionnières. Ce sont mes études sur l’activation catalytique des petites molécules par l’utilisation conjointe de l’électrochimie et de la photochimie qui ont été reconnues. J’ai commencé à emprunter cette voie de recherche tôt dans ma carrière académique aux côtés de Jean-Michel Savéant. Entre 2005 et 2010, nous avons commencé à appliquer ces travaux fondamentaux sur les transferts d’électrons aux réactions catalytiques complexes, notamment la réduction du CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre. En 2012, nous avons proposé, dans la revue Science, un procédé innovant permettant de réduire le CO2 en monoxyde de carbone (CO), brique essentielle de l’industrie chimique, de façon rapide et efficace. Pour cela, nous avons utilisé un catalyseur moléculaire contenant un atome de fer et de l’électricité. Cet article[1], très cité, nous a encouragés à poursuivre sur la réduction du CO2 et ce dans de multiples directions.
Vos travaux de recherche pourront-ils nous aider à solutionner de manière concrète nos problématiques environnementales ?
En 2016, avec Jean-Michel Savéant et Cyrille Costentin, mes collègues au Laboratoire d’électrochimie moléculaire, nous avons reçu le premier Prix international « Petites molécules essentielles » décerné par Air Liquide pour nos travaux inédits sur la catalyse de réduction du dioxyde de carbone. Ce prix illustrait aussi le potentiel applicatif de ces recherches et m’a incité à développer en parallèle des aspects plus appliqués. C’est dans cet esprit que j’ai cofondé avec un de mes étudiants fin 2020 la start-up Carboneo, dont l’un des objectifs est de réduire significativement les émissions de CO2 de grands sites industriels.
Quelles sont vos perspectives prochaines en recherche fondamentale ?
Avec mon équipe, nous développons de plus en plus des systèmes catalytiques qui fonctionnent directement à la lumière du soleil. Nous étudions aussi la conversion catalytique d’autres molécules que le CO2, notamment l’azote pour faire de l’ammoniac, une réaction particulièrement difficile à réaliser. C’est un enjeu considérable dans le secteur de l’agriculture pour la production décentralisée et raisonnée des engrais. Et sous forme liquide, l’ammoniac peut également servir de carburant pouvant se substituer à ceux d’origine fossile, ce qui pourrait par exemple être adapté pour le transport maritime. Un autre axe de recherche est d’utiliser l’électrochimie pour faire de la synthèse verte en remplaçant les réactifs chimiques par des électrons. Tous ces exemples, aux enjeux applicatifs variés, n’aboutiront que si nous continuons patiemment, et avec d’autres, un travail de recherche fondamentale sur la compréhension des réactions de transferts d’électrons.
[1] « Local Proton Source Enhances CO2 Electroreduction to CO by a Molecular Fe Catalyst », C. Costentin, S. Drouet, M. Robert et J.-M. Savéant, Science, 2012, vol. 338 : 90-94.