Le plus petit système magnétique à transfert de charge dévoilé

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En combinant des méthodes expérimentales de pointe (spectroscopie en rayonnement synchrotron), des chercheurs de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (Sorbonne Université / CNRS / MNHN / IRD), en collaboration avec l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS / Université de Bordeaux / Bordeaux INP) et le Centre de recherche Paul Pascal (CNRS / Université de Bordeaux), décrivent pour la première fois les propriétés électroniques du plus petit système moléculaire présentant un transfert de charge entre un site donneur et un site accepteur, sous l’influence de la lumière et de la température. Publiés dans la revue Journal of the American Chemical Society, ces travaux fondamentaux marquent une étape importante dans le domaine de la spintronique moléculaire et dans l’élaboration des futurs ordinateurs quantiques.

Pour améliorer les capacités de calculs et de résolution de problèmes des ordinateurs actuels, les chercheurs tentent depuis quelques années de concevoir des ordinateurs basés non plus sur la physique classique mais sur la physique quantique.

Pour mettre au point ces ordinateurs quantiques, il faut au préalable élaborer des composants de taille nanométrique dotés de propriétés magnétiques qui soient modulables par des paramètres extérieurs, comme la lumière par exemple. Le but étant de s’affranchir d’une modulation par le courant électrique qui provoque des problèmes de surchauffe proportionnels à la miniaturisation des composants.

Dans le cadre d’une collaboration de longue date, des chercheurs de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie, de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux et du centre de recherche Paul Pascal ont caractérisé une molécule formée d’un atome de fer et d’un atome de cobalt liés par un pont chimique et entourés de molécules organiques présentant plusieurs niveaux de stabilité magnétique 1. A l’instar des autres analogues de bleu de Prusse dont elle représente l'élément de plus petite taille, cette molécule possède en effet une bistabilité magnétique induite par la température et par la lumière, soit la capacité de commuter entre deux états magnétiques stables, tel est un interrupteur ON-OFF.

Par une approche totalement inédite aussi bien en Europe que dans le monde, basée sur des expériences de spectroscopie sous rayonnement synchrotron2, les chercheurs ont réussi à mesurer directement les propriétés électroniques et magnétiques de cette molécule, summum de la miniaturisation des bleus de Prusse. En scrutant les mécanismes de transfert d'électron se produisant entre chaque atome métallique (fer et cobalt) et de réorganisation des spins, ils ont déterminé à l'échelle de la molécule la façon dont le magnétisme est modifié par la température et la lumière.

Le plus petit système magnétique à transfert de charge dévoilé
Représentation des différents états magnétiques de la molécule à transfert de charge photo- et thermo-induit, ainsi que les signatures spectrales associées qui traduisent le transfert d'électron entre les atomes de fer et de cobalt.
© Dr. Marie-Anne Arrio, CNRS

Ces mécanismes désormais maîtrisés, les chercheurs envisagent la prochaine étape : déposer plusieurs de ces molécules sur une surface, les organiser en réseau et parvenir à piloter leurs propriétés d’ensemble. Si ces travaux marquent une étape importante pour le développement des futurs composants des ordinateurs quantiques, ils fournissent aussi une méthode d’analyse performante qui peut dorénavant être transférée pour étudier tout autre système moléculaire présentant une bistabilité magnétique photo-induite.

 

1- Interrupteurs moléculaires : la chimie au service de l’électronique

2- Expériences menées sur les lignes des synchrotrons SOLEIL et ESRF en France et SLS en Suisse.

 

Référence

S.F. Jafri, E.S. Koumousi, M.-A. Arrio, A. Juhin, D. Mitcov, M. Rouzières, P. Dechambenoit, D. Li, E. Otero, F. Wilhelm, A. Rogalev, L. Joly, J.-P. Kappler, Ch. Cartier dit Moulin, C. Mathonière, R. Clérac, Ph. Sainctavit

Atomic scale evidence of the switching mechanism in a photomagnetic CoFe dinuclear Prussian Blue analogue

J. Am. Chem. Soc. - 2019

DOI: 10.1021/jacs.8b10484

Contact

Sainctavit Philippe
Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Sophie Félix
Chargée de communication
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC