La radiothérapie pour déclencher une action thérapeutique au plus profond du corps
Le déclenchement d’actions thérapeutiques in situ par la lumière dans une zone spécifique de l’organisme, pour le traitement des cancers par exemple, se heurte à la faible pénétration des sources lumineuses disponibles. Pour contourner cette limitation intrinsèque, des chimistes de l’Institut lumière matière (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et de l’Institut Galien Paris-Sud (CNRS/Université Paris-Saclay)* ont développé un système, appelé radioswitch, qui s’active cette fois par radiothérapie pour induire un effet cytotoxique localisé, ouvrant des pistes inexplorées pour des applications thérapeutiques déclenchées en tissus profonds. Ces résultats sont publiés dans la revue Nat. Commun.
Le développement d’outils thérapeutiques anticancéreux conduisant à une action toxique sur demande et dans une zone précise de l’organisme est un défi majeur dans le domaine en émergence de la médecine personnalisée. La recherche de composés photoactivables capables d’induire des actions pharmacologiques déclenchées par la lumière a suscité un fort engouement au cours des 50 dernières années. Néanmoins, les composés actuels nécessitent une activation par des photons ne pénétrant pas les tissus biologiques au-delà de 1 ou 2 centimètres, ce qui limite leurs applications cliniques aux cancers de la peau, oculaires, ou nécessite l’utilisation d’endoscopes intrusifs.
Afin de s’affranchir de cette limite intrinsèque, des chimistes de l’Institut lumière matière (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et de l’Institut Galien Paris-Sud (CNRS/Université Paris-Saclay)* ont développé de nouveaux composés capables de s’activer par des rayonnements ionisants comme ceux utilisés en radiothérapie. En ajoutant un substituant inorganique à base de Gadolinium à l’azobenzène, composé pouvant changer de forme (photoswitch) parmi les plus étudiés en photoactivation, ils ont obtenu une nouvelle prodrogue dont la photoactivation est déclenchée par radiothérapie. Les scientifiques ont démontré l’efficacité de la transformation de cette prodrogue en drogue pour différentes sources de radiothérapie (photons et électrons à différentes énergies), et ont mis en évidence un mécanisme d’activation original établi par des études en radiobiologie et simulations Monte-Carlo. Enfin, des études de cytotoxicité sur cellules cancéreuses du pancréas et de lymphocytes T ont confirmé l’efficacité de ce protocole visant à transformer des prodrogues inactives en drogues toxiques sous radiothérapie à des doses compatibles avec une utilisation clinique.
Ces travaux, brevetés et publiés dans la revue Nature Communications, ont conduit au développement de composés théranostiques (effets diagnostique et thérapeutique combinés) adaptés pour une activation sans limite de profondeur dans les tissus biologiques, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour l’étude d’approches thérapeutiques anticancéreuses originales.
* Ces études développées à l’Institut Galien Paris-Sud (CNRS/Université Paris-Saclay) puis à l’Institut lumière matière (CNRS/Université de Lyon), en collaboration avec l’Institut Curie (CNRS/Inserm/Université Paris-Saclay), l’Université Autonome de Barcelone, BioCIS (CNRS/Université Paris-Saclay) et le centre NeuroSpin (CEA, Gif-sur-Yvette), ont permis d’agréger des expertises en chimie de synthèse, calculs théoriques, radiobiologie, physico-chimie et biologie cellulaire.
Rédacteur : CCdM
Référence
Guesdon-Vennerie A, Couvreur P, Ali F, Pouzoulet F, Roulin C, Martínez-Rovira I, Bernadat G, Legrand F-X, Bourgaux C, Mazars CL, Marco S, Trépout S, Mura S, Mériaux S & Bort G.
Breaking photoswitch activation depth limit using ionising radiation stimuli adapted to clinical application
Nat. Commun. 13, 4102 (2022).