La dynamique de dissociation d’un gaz artificiel sous rayons X enfin élucidée

Résultats scientifiques

La dégradation de l’hexafluorure de soufre (SF6), gaz largement utilisé comme isolant dans l'industrie, mène à des sous-produits potentiellement toxiques. Une équipe internationale de scientifiques dévoile de nouvelles informations sur sa dynamique de dissociation sous absorption de rayons X à haute énergie. Bien qu’étudiée depuis plus de 40 ans, les travaux menés par des scientifiques du CNRS, réalisés à l'aide de techniques avancées de rayonnement synchrotron, montrent pour la première fois la formation d'atomes de soufre neutres au cours de sa dissociation. 

L'interaction de la lumière avec la matière peut induire de nombreux phénomènes, tels que l'absorption et la diffusion, qui entraînent l'émission des électrons ou des photons… et peuvent aller jusqu’à l’ionisation voire la dissociation du matériau. Au-delà de l’intérêt fondamental que les scientifiques portent à ces phénomènes souvent complexes, la compréhension des effets de l'irradiation par les rayons X peut également offrir des applications pratiques. 

Prenons par exemple le cas du SF6, un gaz largement utilisé comme isolant dans des applications industrielles, notamment dans les systèmes de commutation électriques à haute tension. Bien que stable, il est connu pour se décomposer sous irradiation, amenant à des sous-produits dont l’impact environnemental est de plus en plus préoccupant. Il est donc essentiel de mieux comprendre les mécanismes de décomposition qui mènent à ces produits à risque. 

C’est avec Joseph Nordgren et Hans Ågren, jeunes scientifiques du laboratoire Siegbahn de l'université d'Uppsala, que débute l’aventure scientifique en 1978. En irradiant du SF6, ils détectent une anomalie dans la réponse spectrale de ce composé, anomalie qu’ils sont incapables d’expliquer. 40 ans plus tard, maintenant professeur émérite, Joseph Nordgren remet le couvert. Il fait appel aux sources de rayons X les plus performantes et s’entoure d’une équipe internationale1 , qui développe une approche sur mesure pour tenter de percer enfin les secrets que recèlent toujours ses données expérimentales. 

Grâce à des techniques avancées de rayonnement synchrotron, l’équipe de scientifiques a exposé des molécules de SF6 à des rayons X de haute énergie. Ils parviennent ainsi à éjecter les électrons des couches électroniques les plus profondes des atomes de soufre. S’en suivent alors des réarrangements des électrons en série (cascade), conduisant à la dissociation complète de la molécule. Au cours de ces désintégrations, ils sont parvenus à enregistrer les émissions de rayons X de basse énergie provenant d’états intermédiaires. Des calculs théoriques avancés ont ensuite été nécessaires pour interpréter ces émissions et comprendre enfin cette réponse moléculaire complexe à l'ionisation de soufre. 

Leurs résultats montrent que le système émet des rayons X d'une énergie spécifique qui ne peut être associée à des fragments moléculaires (tels que le soufre lié aux fluors) ou à une forme ionisée du soufre. La dissociation de SF6 conduit à la formation d'un atome de soufre neutre intermédiaire, bien que plusieurs de ses électrons soient éjectés au cours de la cascade. Ce phénomène est à première vue surprenant car le fluor, élément le plus électronégatif du tableau périodique, est connu pour sa forte tendance à attirer les électrons. Leur étude révèle que malgré cela et contre toute attente, ce sont les atomes de fluor qui donnent des électrons aux atomes de soufre, rééquilibrant ainsi la charge du soufre tout au long de la cascade et menant à un atome de soufre non chargé.

Cette étude montre la puissance des techniques modernes de rayons X liée à l’évolution des sources synchrotron de rayons X pour répondre à des questionnements scientifiques de longue date et faire ainsi progresser notre compréhension de la dynamique moléculaire. Un travail qui montre également qu’en recherche fondamentale, patience et persistance sont tout aussi importantes qu’innovation.

Rédacteur : CCdM

  • 1Une collaboration entre le Laboratoire de chimie physique - matière et rayonnement (CNRS/Sorbonne Université), le Fritz-Haber-Institut der Max-Planck-Gesellschaft (Berlin, Allemagne) et le Department of Physics and Astronomy, Uppsala Universitet (Uppsala, Suède).

Référence

Oksana Travnikova, Florian Trinter, Marcus Agåker, Giorgio Visentin, Joakim Andersson, Ludvig Kjellsson, Iyas Ismail, Nicolas Velasquez, Dimitris Koulentianos, Manuel Harder, Zhong Yin, Johan Söderström, Tatiana Marchenko, Renaud Guillemin, O. Dennis McGinnis, Hans Ågren, Stephan Fritzsche, Marc Simon, Jan-Erik Rubensson & Joseph Nordgren

Neutral sulfur atom formation in decay of deep core holes in SF6

PRL 2025

https://journals.aps.org/prl/accepted/95075Y57H5028909e02513a03a079e66e82a857ee

Contact

Oksana Travnikova
Chercheuse au Laboratoire de chimie physique – matière et rayonnement (CNRS/Sorbonne Université)
Communication CNRS Chimie