La dégradation de l’alumine-γ ne sera plus un frein à des procédés industriels plus verts

Résultats scientifiques Catalyse Chimie verte

Des chimistes du Laboratoire de chimie (LC, Unité CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard de Lyon), de l’University of California - Los Angeles (department of Chemical and Biomolecular Engineering), de l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IRCELyon, Unité CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et de l’Institut Français du Pétrole Énergie Nouvelle (IFPEN) ont déterminé la structure des sites(*) à partir desquels l’alumine-γ se décompose dans l’eau. De par l’importance industrielle de l’alumine-γ, il s’agit d’une avancée significative pour la stabilisation des catalyseurs hétérogènes en milieux aqueux. Cette étude est parue dans Nature Communications.

L’alumine-γ est un oxyde très répandu en catalyse hétérogène où le catalyseur est solide et les réactifs en solution aqueuse. Mais son principal talon d’Achille est sa sensibilité à l’eau : en sa présence, l’alumine-γ se décompose et perd ses propriétés catalytiques. Il s’agit là d’un problème majeur car l’eau joue un rôle important dans la transition de la pétrochimie vers une chimie plus respectueuse de l’environnement. En plus d’être un solvant non polluant, l’eau constitue en effet le solvant naturel des procédés valorisant les déchets issus de la biomasse. Rendre l’alumine-γ résistante à l’eau permettrait donc de profiter pleinement de ses propriétés. Pour ce faire, il faut d’abord comprendre comment l’eau décompose l’alumine-γ. C’est ce sur quoi les équipes lyonnaises et californiennes se sont penchées, rassemblant des compétences complémentaires.

            La décomposition de l’alumine-γ est un problème complexe car multi-échelle : les molécules d’eau (échelle microscopique) attaquent les nano-cristallites d’alumine-γ (échelle mésoscopique) à la surface du matériau ce qui entraîne sa dégradation à l’échelle macroscopique. Afin d’identifier les premières étapes du processus, ce matériau a été étudié tout d’abord expérimentalement à l’IRCELyon et à l’IFPEN. En faisant varier la forme des nano-cristallites, ils ont identifié la face (face (110)) des cristallites préférentiellement attaquée par les molécules d’eau. Des études par modélisation moléculaire ab initio menées au LC en interaction avec UCLA ont ensuite permis d’identifier le maillon faible de cette face : un atome d’aluminium de géométrie tétraédrique. Une simple liaison de celui-ci avec une molécule d’eau et c’est l’édifice qui est localement fragilisé : l’atome finit par s’échapper de la surface, initiant ainsi le processus de destruction du matériau.

            Cette approche multi-échelle (du micro au macroscopique) et multi-méthode, (à la fois expérimentale et théorique) pourrait conduire à l’identification de nouveaux inhibiteurs de la destruction de l’alumine-γ mais également être étendue à l’étude de la stabilité de nombreux autre matériaux dans l’eau ou d’autres solvants, de manière à mieux prévenir leur décomposition.

(*) Positions particulières de certains atomes d’aluminium dans le solide.

Référence

R. Réocreux, É. Girel, P. Clabaut, A. Tuel, M. Besson, A. Chaumonnot, A. Cabiac, P. Sautet & C. Michel
Reactivity of shape-controlled crystals and metadynamics simulations locate the weak spots of alumina in water

Nature communications 17 juillet 2019

https://doi.org/10.1038/s41467-019-10981-9

Contact

Carine Michel
Laboratoire de chimie - ENS Lyon
Philippe Sautet
IMASC Energy Frontier Research Center - USA
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Sophie Félix
Chargée de communication
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC