La complexité structurale insoupçonnée des catalyseurs déposés sur surface
Visualiser la structure à l’échelle atomique de catalyseurs déposés sur supports fournit des informations incontournables pour améliorer leurs performances comme la sélectivité. Des scientifiques du Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/UCBL) et du laboratoire de Catalyse, polymérisation, procédés et matériaux (CNRS/CPE/UCBL) proposent une approche originale pour décrire la structure d’un complexe immobilisé sur une surface. Leurs résultats, obtenus grâce à un nouveau marquage isotopique et la mise en œuvre d'expériences de RMN du solide, illustrent la grande diversité structurale que peuvent adopter les complexes métalliques supportés. Ces résultats, publiés dans le J. Am. Chem. Soc., devaient permettre d’optimiser la conception de nouveaux catalyseurs encore plus efficaces.
Imaginer des catalyseurs hétérogènes toujours plus actifs et sélectifs s’inscrit aussi dans une approche de chimie durable. Pour cela, on les immobilise en les fixant sur un support pour permettre leur séparation (simple filtration) des produits de réaction, faciliter leur recyclage et permettre leur utilisation dans des procédés en flux continu particulièrement prisés à l’échelle industrielle.
Les complexes à base de métaux de transition peuvent présenter un intérêt catalytique tout particulier car leur sphère de coordination peut être ajustée avec précision pour optimiser leur efficacité et leur sélectivité. C’est par exemple le cas pour des complexes d’iridium, au cœur de cette étude, impliqués dans des réactions d'hydrogénation d'oléfines au cœur de nombreux processus de synthèse en pétrochimie et en chimie fine.
Mais visualiser la structure à l’échelle atomique de complexes moléculaires supportés, étape indispensable pour comprendre les propriétés catalytiques et les améliorer, reste encore un défi. D’où l’approche originale proposée par des scientifiques du Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/UCBL) et du laboratoire de Catalyse, polymérisation, procédés et matériaux (CNRS/CPE/UCBL) qui leur a permis de décrire la structure 3D d’un complexe d’Iridium immobilisé sur une surface de silice. Pour cela, ils ont mis au point un marquage isotopique au 13C et 15N du catalyseur supporté nécessaire à la mise en œuvre d’expériences de RMN du solide spécifiques pour sonder les conformations des espèces de surface tout au long de la synthèse en présence du catalyseur. Ces espèces habituellement très difficiles à observer étant donnée leur faible concentration ont pu cette fois l’être grâce au pouvoir amplificateur de la Polarisation dynamique Nucléaire (DNP) combinée à ce nouveau marquage isotopique qui augmente considérablement la sensibilité de la RMN. Cette nouvelle approche a ainsi permis de mettre en évidence des structures de surface inédites et surprenantes qui n’avaient jamais été observées auparavant avec ce niveau de détail. Contrairement aux hypothèses qui avaient été formulées, l’atome d’iridium n’est pas stabilisé par les oxygènes de surface mais se révèle être entouré d’atomes de chlore et de ligands cyclo-octadiène ou NHC. Les scientifiques doivent maintenant regarder si ces nouvelles espèces sont à l’origine des propriétés catalytiques.
Ces résultats, à retrouver dans le J. Am. Chem. Soc., vont permettre d’améliorer encore les performances des catalyseurs du futur.
Rédacteur : CCdM
Référence
Ribal Jabbour, Marc Renom-Carrasco, Ka Wing Chan, Laura Völker, Pierrick Berruyer, Zhuoran Wang, Cory M. Widdifield, Moreno Lelli, David Gajan, Christophe Copéret, Chloé Thieuleux & Anne Lesage
Multiple Surface Site Three-Dimensional Structure Determination of a Supported Molecular Catalyst
J. Am. Chem. Soc. 2022