IRM : le manganèse, nouvel agent de contraste mieux toléré par les patients

Résultats scientifiques

Certains patients, parce qu’ils sont atteints de maladies rénales notamment, ne peuvent recevoir d’injection d’agent de contraste, pourtant très important pour un diagnostic précis, quand ils passent une IRM. En effet, cet examen reposait à ce jour exclusivement sur l’utilisation d’un agent de contraste, le gadolinium, déconseillé pour ce type de pathologies. Des scientifiques du Centre de biophysique moléculaire, de l'unité Conditions Extrêmes et Matériaux : Haute Température et Irradiation à Orléans et de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien à Strasbourg lui ont trouvé un double sans effet secondaire, le manganèse, grâce à la synthèse d’une molécule cage permettant de contenir cet élément chimique et d’en faire un agent de contraste très efficace pour le diagnostic. Ces travaux sont publiés dans Angewandte Chemie Int Ed.

En imagerie par résonance magnétique (IRM), des agents de contraste sont injectés à des millions de patients chaque année lors d’examens cliniques pour apporter des informations diagnostiques qui seraient inaccessibles autrement. Depuis 35 ans, des complexes de gadolinium ont été utilisés avec un grand succès ; mais récemment l’innocuité de certains d’entre eux a été remise en cause, notamment en cas de problèmes rénaux des malades. Le remplacement du gadolinium par un métal plus biocompatible, comme le manganèse(II), permettrait de proposer des agents de contraste plus sûrs, et en particulier pour ces patients présentant des pathologies rénales.

Pour être un agent de contraste à la fois sûr et efficace,  les complexes de manganèse doivent être très inertes, donc ne pas relâcher le métal in vivo, et également posséder une molécule d’eau coordonnée au métal pour assurer un lisibilité en IRM. Or, combiner ces deux propriétés au sein d’un même complexe reste un défi pour les chimistes de coordination. Les équipes du Centre de biophysique moléculaire et Conditions Extrêmes et Matériaux : Haute Température et Irradiation à Orléans et de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien à Strasbourg ont synthétisé et étudié un ligand de la famille des bispidines, une molécule cage parfaitement adaptée à la complexation du manganèse(II). Une fois dans la cage, le métal ne peut plus en sortir. En conséquence, ce complexe de manganèse(II) présente une inertie cinétique, c’est-à-dire une résistance à la dissociation, qui dépasse de plusieurs ordres de grandeur les meilleures molécules existantes. Grâce à l’introduction de groupements chargés sur la molécule, ce nouvel agent de contraste possède une efficacité IRM équivalente à celle des complexes de Gadolinium, qui a pu être validée dans des expériences IRM précliniques. Cette molécule pourra aussi être conjuguée à une biomolécule (pour un futur ciblage spécifique d’un organe/tissu d’intérêt) sans compromettre la stabilité du complexe.

De plus, le manganèse est un radionucléide émergent pour l'imagerie par tomographie à émission de positrons (TEP). Le manganèse est ainsi l'unique cation métallique permettant à la fois une imagerie par IRM et par TEP, une propriété très utile pour les approches bimodales qui combinent les deux techniques d’imagerie pour un diagnostic plus précis. Cependant, l’utilisation du manganèse  est actuellement limitée par une faible disponibilité et un manque de ligand adéquat pour une complexation stable et inerte.

Pour la première fois en France, le manganèse a été produit au cyclotron du CEMTHI à Orléans, et une molécule de la famille des bispidines a pu être radiomarquée au avec cet élément chimique avec succès.

L’adéquation de toutes ces propriétés font de la bispidine étudiée un ligand très prometteur pour la complexation du manganèse(II), tant dans le développement d’agents de contraste IRM que dans la conception de sondes TEP. Il assure en particulier une inertie cinétique inégalée qui permet d’envisager pour la première fois l’utilisation in vivo du manganèse(II) sans risque de toxicité.

 

Référence :

Eva Toth, Daouda Ndiaye, Maryame Sy, Agnès Pallier, Sandra Même, Isidro de Silva,Sara Lacerda, Aline M. Nonat, Loïc J. Charbonnière, Unprecedented kinetic inertness for a Mn2+‐bispidine chelate: a novel structural entry for Mn2+‐based imaging agents, Angewandte Chemie Int Ed.

DOI

En assurant une inertie cinétique inégalée au complexe de manganèse(II), la molécule cage bispidine est un ligand très prometteur pour la conception d’agents de contraste IRM et de sondes TEP. © Aline Nonat

Contact

Eva Jakab Toth
Chercheuse, Centre de biophysique moléculaire d'Orléans (CNRS)
Loïc Charbonnière
Chercheur à l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (UMR7178)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS