[Ils et elles ont choisi la France #4] Annika Sickinger rejoint l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien à Strasbourg
Après un doctorat à Constance en Allemagne et un postdoctorat à l’ENS de Lyon, Annika Sickinger rejoint l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien en 2025 pour poursuivre ses travaux sur les lanthanides et la chimie de coordination. Elle nous en dit plus sur son parcours, ses motivations pour postuler au CNRS et ses perspectives pour les années à venir.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos thèmes de recherche ?
J'ai terminé mes études de premier cycle à l'université de Constance, à un peu plus d'une heure du petit village où j'ai grandi, au sud-ouest de l’Allemagne. Je ne me souviens plus très bien pourquoi j'ai choisi la chimie comme domaine d'études, mais j'ai toujours été attirée par les sciences naturelles et la combinaison de connaissances théoriques et de travaux pratiques. Plus particulièrement, j’étais fascinée par la façon dont on peut modifier des molécules simplement en trouvant les bonnes conditions.
Après mon master, j'ai enchaîné avec un doctorat dans la même université, au sein du groupe de Stefan Mecking. Mon projet portait sur les nanoparticules luminescentes à base de polyfluorène et, plus particulièrement, sur la question de l'origine de leur forme ellipsoïdale caractéristique. Cet attribut est plutôt atypique pour les nanoparticules à base de polymères et, comme nous avons pu le démontrer, induit par la façon dont s’ordonnent les chaînes polymériques. En d'autres termes, j’ai travaillé dans des domaines qui se recoupent partiellement, à savoir la chimie des polymères, les nanoparticules et les systèmes conjugués : un bon équilibre, selon moi, entre la chimie de synthèse et la chimie analytique.
Bien que je recommande Constance à tout le monde, après y avoir passé près de neuf ans, avec un seul très court séjour à l'étranger pour un stage, j'avais envie de changer d’air. Mon choix s'est porté sur la France. J’ai peut-être été influencée par mon partenaire français et par le fait que j'ai appris le français à l'école, ce qui m'assurait un minimum de communication.
Après mon doctorat, j’hésitais entre poursuivre une carrière universitaire et bifurquer vers l’industrie, mais une chose était sûre : je n'étais pas encore prête à abandonner la recherche. J'ai alors eu l’opportunité de rejoindre le groupe d'Olivier Maury à l'ENS Lyon comme postdoctorante pendant deux ans. J'ai principalement travaillé sur la synthèse et l'étude de complexes de lanthanides chiraux1 et plus tard sur des systèmes BODIPY2 pendant une courte période. Ce virage vers la chimie de coordination représentait un changement de thématique par rapport à mon doctorat, mais c’était l’occasion d'apprendre de nouvelles choses. Les lanthanides se sont ainsi révélés être un sujet de recherche passionnant.
Qu'est-ce qui a motivé votre candidature au CNRS ?
J'ai découvert le CNRS pendant mon postdoctorat ; de fait, il est omniprésent dans le paysage de la recherche française. A Lyon, j’ai rencontré plusieurs chercheurs du CNRS et j’ai été impressionnée par leur travail au quotidien, qui est en grande partie façonné par leur curiosité personnelle, qu'il s'agisse de leurs activités d'enseignement ou de l’organisation de leurs projets de recherche. Après un certain temps à l'ENS de Lyon, j’avais pris ma décision : je voulais continuer à faire de la recherche académique. Néanmoins, continuer mes recherches tout en bénéficiant d'une certaine sécurité accordée par une institution allait s’avérer plus difficile en Allemagne, où les postes académiques permanents sont plutôt rares. Bref, travailler au CNRS est devenu une option de plus en plus attrayante pour moi.
J'ai finalement choisi de postuler à l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien à Strasbourg. En effet, j'y avais identifié un groupe travaillant sur les lanthanides, dirigé par Aline Nonat et Loïc Charbonnière. D'un point de vue personnel, c'était aussi l'endroit idéal pour m'installer, étant donné la proximité imbattable avec mon pays natal. Au cours du processus de candidature, j'ai bénéficié d'un grand soutien de la part de mes groupes de travail actuels et passés à Strasbourg et à Lyon, en particulier d'Olivier, qui m’a beaucoup motivée.
Quelles différences avez-vous remarqué entre votre ancien environnement de travail et celui que vous découvrez ici ?
Il est bien sûr difficile de généraliser. Cependant, d'après mon expérience personnelle, j’ai trouvé les laboratoires de chimie français moins hiérarchiques et moins rigides que ceux de mon ancienne université en Allemagne. Ici, il est possible d'initier des collaborations plus rapidement et d'échanger sur les recherches en cours de manière informelle. Avant d’arriver en France, je ne savais pas encore si je voulais rester dans le monde universitaire ; j’ai changé d’avis en découvrant l’ambiance décontractée et harmonieuse de mon nouveau lieu de travail.
Cette différence peut s'expliquer par le fait qu'en Allemagne, les chefs de groupes de recherche consacrent généralement la majeure partie de leur temps à l'enseignement, ce qui leur laisse moins d'occasions de superviser des étudiants et de discuter de leurs projets. En revanche, les chercheurs français restent proches de la science au quotidien. J'espère que j'arriverai à conserver cette habitude !
L'une des compétences que j'ai améliorées au cours de mes premières années en France est de demander de l'aide lorsque je suis confrontée à un problème et que quelqu'un d'autre est clairement plus compétent que moi pour cette tâche particulière, qu'il s'agisse d'une formation sur un nouvel appareil d’analyse, de l'utilisation de l'un des nombreux logiciels ou d'une question liée aux ressources humaines.
Avez-vous encore des projets en cours avec l’Allemagne ?
En raison de mon changement de sujet de recherche, l'occasion ne s'est pas vraiment présentée pour le moment. Cela étant dit, je n’ai pas perdu de vue mes anciens collègues à Constance et je serai heureuse de reprendre contact avec eux lorsque mes projets s'orienteront davantage vers la science des polymères et des matériaux.
Quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?
Je pense avoir trouvé l'endroit et le poste que j'espérais ! Mon groupe actuel m'a beaucoup aidée à mon arrivée. Je me suis sentie la bienvenue en tant que chercheuse, mais aussi en tant que personne. Pour être honnête, la transition entre post-doc et chercheuse titulaire s'est avérée beaucoup plus ardue que celle entre doctorante et post-doc. Néanmoins, j’ai rapidement pu rédiger ma première soumission à un appel à projet ou encore estimer mon premier budget, de sorte que je me suis adaptée rapidement.
Pour les années à venir, j'espère pouvoir solliciter avec succès des fonds de recherche, obtenir mon habilitation à diriger des recherches et poursuivre le développement de mon projet. Que ce soit dans un contexte professionnel ou personnel, j'espère me sentir petit à petit chez moi à Strasbourg, ne jamais cesser de découvrir de nouvelles choses, et garder mon enthousiasme !
Propos recueillis par CD
- 1Les complexes de lanthanides sont une série de métaux qui fait partie des terres rares et dont les ions trivalents Ln3+ sont luminescents. Ils peuvent être utilisés comme sondes dans la recherche biologique.
- 2Les BODIPY, abréviation de bore-dipyrrométhène, sont une classe de molécules utilisées comme colorants et marqueurs fluorescents dans la recherche biologique.
“Ils et elles ont choisi la France”
“Ils et elles ont choisi la France” est une série éditoriale qui vise à mettre en avant le parcours de chercheuses et chercheurs de nationalité étrangère recruté-es dans des laboratoires de CNRS Chimie en 2024.