[Ils et elles ont choisi la France #1] Alexandra Tsybizova rejoint l'Institut parisien de chimie moléculaire

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Après un doctorat à Prague et plusieurs années comme chercheuse à l'École polytechnique fédérale de Zurich, Alexandra Tsybizova rejoint l'Institut parisien de chimie moléculaire en 2025 pour poursuivre ses travaux sur les mécanismes réactionnels. Elle nous en dit plus sur son parcours, ses motivations pour postuler au CNRS et ses perspectives pour les années à venir.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos thèmes de recherche ?

J'ai obtenu ma licence et mon master en génie chimique à l'Université de technologie chimique Mendeleïev à Moscou. À cette époque, j'ai commencé à suivre des cours de chimie organique physique et sur les mécanismes réactionnels. Je voulais approfondir cette thématique, mais je ne savais pas où je pourrais le faire. J'ai alors entendu parler d’une nouvelle équipe basée à l'université Charles, à Prague. Ils cherchaient un doctorant pour étudier les mécanismes réactionnels en se servant de la spectrométrie de masse. J'ai obtenu le poste et j'ai déménagé en République tchèque, où j'ai passé un peu plus de quatre ans, de 2011 à 2015.

Après mon doctorat à Prague, j'ai effectué un stage postdoctoral à l'École polytechnique fédérale de Zurich [aussi connue sous le nom ETH Zurich], en Suisse, avec le Pr. Peter Chen. Cinq ans plus tard, j'ai été promue et j’ai pu créer une équipe au sein de son groupe. Cela m'a permis de mener mes propres projets et de superviser des étudiants de premier cycle.

Pendant cette période à Prague et à Zurich, j'ai cultivé une expertise dans les mécanismes réactionnels qui régissent les processus catalytiques, y compris l'influence des états de spin sur la réactivité. J'ai acquis une solide expérience dans des techniques telles que la spectrométrie de masse et les mesures T-CID, qui sont au cœur de mes recherches sur les énergies de dissociation des liaisons et la réactivité des intermédiaires réactionnels. Mon travail a consisté à étudier à la fois des complexes organométalliques synthétiques et des systèmes modèles bien caractérisés afin de mieux comprendre et prédire les chemins réactionnels les moins gourmands en énergie.

J'étais épanouie à l'ETH Zurich, mais ma position était précaire : le départ à la retraite imminent du Pr. Chen signifiait la cessation des activités de son groupe, et donc de mon contrat. Dans ce contexte, j'ai commencé à chercher un poste permanent.

Qu'est-ce qui a motivé votre candidature au CNRS ?

À l’origine, je ne connaissais pas bien le système français en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Je savais que la façon de travailler est assez horizontale et collaborative, ce qui m'attirait beaucoup. Cependant, je n'avais entendu parler que des postes de maîtres de conférence, qui nécessitent la maîtrise de la langue française ; or, je n’étais pas en mesure de répondre à ce critère dans l'immédiat. J'ai alors rencontré un autre scientifique lors d'une conférence, Ugo Jacovella, qui m'a parlé du CNRS. Il venait d’obtenir un poste permanent dans un laboratoire après un début de parcours à l'étranger. J'ai appris que les chercheurs du CNRS n'étaient pas obligés de parler français – même si c’est toujours un plus, bien sûr – et qu'ils étaient titulaires dès leur entrée en fonction : contrairement au système anglo-saxon, les chargés de recherche n’ont pas besoin d'attendre cinq ans pour que leur poste devienne permanent.

Lorsque j'ai décidé de postuler au CNRS, j'ai commencé à prospecter pour voir si des laboratoires correspondaient à mon programme de recherche. J'ai ainsi découvert que l'Institut parisien de chimie moléculaire (IPCM - CNRS/Sorbonne Université) était parfaitement adapté à mes besoins. Ce laboratoire offre non seulement des installations et des équipements de pointe, mais aussi un groupe de recherche hautement spécialisé dont l'expertise est étroitement liée à mes propres travaux en chimie organique physique et en catalyse. En particulier, je partage avec l'équipe de l'IPCM un intérêt profond pour les mécanismes réactionnels et la réactivité.

D'un point de vue personnel, le fait de m'installer en France est également important pour moi. La culture française m'inspire depuis longtemps, qu'il s'agisse de littérature ou d'art. Ayant grandi en Russie, j'ai été fortement influencée par les classiques français ainsi que par des auteurs russes comme Tolstoï, dont les œuvres sont imprégnées de langue française. Si ma motivation première est d'ordre scientifique, mon arrivée à Paris répond également à un rêve personnel, ce qui est très appréciable.

Quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?

Dans mon projet d’entrée au CNRS, j'ai défini un programme de recherche qui fait le lien entre mon expertise en chimie organique physique et une question cruciale en catalyse : comprendre comment les états de spin influencent la réactivité. Cette question est d'autant plus importante que nous cherchons à développer des procédés catalytiques plus durables, notamment en utilisant des métaux abondants dans la terre plutôt que des métaux rares ou toxiques. À terme, mon ambition est de développer un cadre permettant de prédire et de rationaliser la réactivité dans toute une série de processus, des catalyseurs synthétiques aux réactions enzymatiques naturelles. Cela permettrait de combler un fossé critique entre les connaissances fondamentales et les applications pratiques, avec des implications pour la chimie industrielle et biologique.

Mon objectif est de m'intégrer dans ce nouvel environnement d’une façon aussi fluide que possible. J'ai commencé à apprendre le français il y a environ un an. J'espère atteindre bientôt un niveau suffisamment élevé pour pouvoir enseigner, comme je le faisais à l'ETH Zurich. J'ai également candidaté pour une bourse de l'Agence nationale de la recherche (ANR) destinée aux jeunes chercheurs. J'essaierai également d’obtenir des financements du Conseil européen de la recherche (ERC). Les bourses ERC Starting ne sont peut-être plus une option étant donné que ma soutenance de thèse est trop ancienne, mais lorsque je serai plus indépendante, j'envisagerai de postuler à des bourses ERC Consolidator ou Synergy.

Grâce à mon expérience internationale, j'espère conserver mes collaborations avec des équipes en Suisse, ainsi qu'avec des collègues d'Israël et des États-Unis dont l’aide est précieuse en termes de chimie computationnelle, de recherche mécanistique, ou encore de fourniture de données expérimentales. Je serai heureuse de développer de nouvelles collaborations au fur et à mesure que je prends mes marques à l'IPCM. J’ai hâte de commencer !

Propos recueillis par CD

“Ils et elles ont choisi la France”

“Ils et elles ont choisi la France” est une série éditoriale qui vise à mettre en avant le parcours de chercheuses et chercheurs de nationalité étrangère recruté-es dans des laboratoires de CNRS Chimie en 2024.

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