Géraldine Masson vise le "zéro déchet"

Entretiens Chimie verte

Géraldine Masson, directrice de recherche de l'équipe "Catalyse et synthèse organique" à l’Institut de chimie des substances naturelles.

Déjà distinguée par plusieurs prix dont la médaille de bronze du CNRS et le prix Novacap de l’Académie des sciences, Géraldine Masson est une chimiste qui vise le zéro déchet dans la pratique de sa recherche. Son horizon : atteindre des molécules chirales de la façon la plus propre possible.

La chimie de demain sera verte ou ne sera pas. C'est en tout cas l'avis de Géraldine Masson et c’est ce à quoi elle s’attelle depuis sa paillasse de l'Institut de chimie des substances naturelles, à Gif-sur-Yvette. Dans son laboratoire, la chercheuse coordonne une équipe de blouses blanches qui vise de nouvelles voies de synthèses. « Comment développer de nouveaux outils synthétiques pour atteindre une molécule nouvelle ou déjà connue, comme celles utilisées dans un médicament, par exemple en associant efficacité et respect de l’environnement. ? » s’interroge quotidiennement la chimiste. Et la réponse tient plus souvent du marathon que du parcours de santé. « Nous recherchons le challenge, la difficulté. Des défis de synthèse qui nous forcent à faire des liaisons complexes ou des architectures moléculaires hors-normes. Nous voulons réussir à construire des voies de synthèse auxquelles personne n’avait jamais pensé. »

En explorant ainsi les chemins de traverse, la chercheuse acquière la reconnaissance de ses pairs. Médaillée du CNRS en 2013, récompensée du premier prix Novacap par l’Académie des sciences en 2017, et membre de plusieurs sociétés scientifique comme la Société chimique d’Allemagne ou la Société japonaise pour la promotion scientifique, Géraldine Masson perçoit cette reconnaissance comme le fruit de ses choix. Des choix faits très tôt, dès son postdoctorat, en 2005. « C’est étonnant d’ailleurs, s’amuse la chercheuse. Au cours de ce postdoc, je devais développer des voies de synthèse énantiosélectives en vue de préparer des molécules possédant un axe de chiralité
Même si tous les objectifs fixés n'ont pas été atteints, cela m’a montré ce que je voulais faire. »

De son aveu, Géraldine Masson répond en fait à une interrogation qui l’avait saisie lors de sa thèse, trois ans plus tôt. « Je travaillais alors sur une synthèse qui utilise un réactif en large excès. Cela veut dire que la réaction a lieu dans un environnement saturé d’un certain produit. Après la réaction, le réactif utilisé en excès ne peut être utilisé à nouveau et devient un déchet à jeter ou à retraiter.  Ce qui m’a interrogée, c’est surtout que le réactif était de l’iodure de samarium, une espèce métallique essentielle pour nos travaux mais polluant pour la nature. » Comment faire sans ? Cette interrogation guidera sa recherche une fois son doctorat en poche.

Une idée lumineuse
Quinze plus tard, la chimiste ne regrette pas ce choix qui lui permet d’assembler des molécules tout en s’inscrivant dans la chimie durable Son équipe est d’ailleurs particulièrement reconnue pour la synthèse de molécules organiques asymétriques. Des molécules qui ont la particularité de posséder une « jumelle », image d’elle-même dans un miroir. Or, il arrive fréquemment que seule l’un des deux « reflets » ait un intérêt. « Nous nous sommes intéressés à la catalyse pour développer des synthèses de molécules chiral au bon « reflet » pour lesquels car ils existaient peu ou pas de méthodes asymétriques efficaces. Nous avons développé des méthodes qui utilisent des petites molécules organiques qui fonctionnent comme des enzymes. C’est-à-dire qu’elles orientent et activent spécifiquement des molécules de la bonne façon pour permettre aux réactions chimiques de se faire tout en retrouvant leur forme initiale une fois leur action effectuée ! » Ces molécules « enzymes » (mais qui n’en sont pas) peuvent ainsi servir à de nombreuses réactions sans jamais devenir un déchet.

Plus encore, ces recherches ont permis d’activer ces molécules avec de la lumière. Ce procédé, particulièrement original, exploite une source lumineuse et des photocatalyseurs pour activer n’importe quelles molécules organiques. Avec ces découvertes, Géraldine Masson et les chimistes de l’Institut de chimie des substances naturelles peuvent construire des édifices moléculaires complexe et originaux, de la façon la plus propre possible. Un matériel nécessaire pour modeler une chimie zéro déchet.

Contact

Géraldine Masson
Institut de chimie des substances naturelles
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Sophie Félix
Chargée de communication
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC