Freiner la neurodégénérescence en déstabilisant les quadruplexes

Les quadruplexes d’ADN sont des structures inhabituelles d’acides nucléiques qui se forment transitoirement dans notre génome et participent aux événements clés de la vie cellulaire. En surabondance, ils augmentent l’instabilité génétique des cellules du système nerveux central et sont impliqués dans leur vieillissement précoce. Des scientifiques de l’Institut de chimie moléculaire de l’Université de Bourgogne (ICMUB / CNRS) ont eu l’idée de cibler les quadruplexes avec des outils moléculaires capables de déstabiliser ces structures. Une stratégie unique pour ralentir la dégénérescence des cellules du système nerveux central publiée dans J. Am. Chem. Soc.

Près de 70 ans après la découverte de la structure en double hélice (ou duplexe) de l’ADN, la démonstration de l’existence des structures alternatives d’acides nucléiques au sein du génome humain a ouvert la voie à des innovations thérapeutiques majeures. Parmi ces structures, les quadruplexes d’ADN, formés de 4 brins d’ADN. Ces structures sont utilisées comme cibles pour tenter de contrôler l’expression des gènes auxquelles elles appartiennent via le recours à de petites molécules stabilisantes (ou ligands).

Cependant, des résultats récents montrent qu’une surabondance de quadruplexes dans des cellules du cerveau engendre des dysfonctionnements à l’origine de leur vieillissement précoce et de maladies héréditaires telles que les maladies de Charcot et de Pick. De plus, ces structures empêchent le travail des enzymes liées à l’ADN (hélicases, polymérases) ce qui entraine une instabilité génomique importante.

D’où une stratégie de ciblage des quadruplexes totalement repensée par les scientifiques de l’Institut de chimie moléculaire de l’Université de Bourgogne (ICMUB / CNRS) qui vise non plus à stabiliser mais à déstabiliser ces structures. Cette approche innovante a donc pour but d’enrayer les erreurs génétiques provoquées par la surabondance ou la persistance des quadruplexes, et donc de lutter contre le vieillissement prématuré des cellules du système nerveux central. 

Le tout premier prototype de molécules capables de déstabiliser les quadruplexes (ou « G4-unfolder »), une phenylpyrrolocytosine nommée PhpC, a montré sa capacité à déstabiliser la structure des quadruplexes et à favoriser l’activité d’enzymes liées à l’ADN, ici une hélicase (Pif1) et une ADN polymérase (Taq). Une découverte d’importance publiée dans le J. Am. Chem. Soc., qui pourrait rapidement trouver des applications thérapeutiques dans le traitement des maladies neurodégénératives.

Rédacteur : CCdM

Représentation schématique d’un quadruplexe d’ADN (haut) et de son déroulement par une petite molecule (PhpC) © David Monchaud

Référence

Identifying G-quadruplex-DNA–disrupting small molecules Jérémie Mitteaux, Pauline Lejault, Filip Wojciechowski, Alexandra Joubert, Julien Boudon, Nicolas Desbois, Claude P. Gros, Robert H. E. Hudson, Jean-Baptiste Boulé, Anton Granzhan & David Monchaud J. Am. Chem. Soc. 2021, 143, 12567-12577

https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jacs.1c04426

Contact

David Monchaud
Chercheur à l'Institut de chimie moléculaire de l'Université de Bourgogne (CNRS/Université de Bourgogne)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS