Electronique moléculaire : un nouveau regard sur l’organisation des molécules ioniques

Résultats scientifiques

Des scientifiques du CNRS ont développé une méthode innovante permettant d’améliorer la caractérisation des interfaces ioniques à l’échelle nanométrique. Cette nouvelle méthode permettra d’analyser de nouveaux matériaux pressentis pour s’insérer dans la prochaine génération de dispositifs nano-électroniques que l’on retrouve dans les ordinateurs, téléphones portables etc. Une étude publiée dans la revue Nanoscale.

Les composants électroniques sont essentiels dans la conception des ordinateurs, des téléphones portables ou des téléviseurs pour amplifier ou commuter des signaux électriques. Lorsqu’ils sont constitués de matériaux purement organiques, le plus souvent à base de carbone, ils sont plus légers, moins chers et moins fragiles que leurs homologues en silicium utilisés habituellement. Ces matériaux sont donc pressentis pour s’insérer dans la prochaine génération de dispositifs nano-électroniques.

Pour les obtenir, une des voies de synthèse consiste à déposer des molécules organiques ioniques* conductrices sur une surface de graphite ultra-pure, le substrat. Cette technologie, appelée « dopage organique », permet de jouer sur la nature, le nombre et la position des molécules déposées sur le substrat. En faisant varier ces paramètres, il est possible de contrôler finement le comportement du transistor, d’améliorer ses performances mais aussi sa stabilité. Comprendre les interactions moléculaires et les phénomènes à l'interface entre les molécules et le substrat est un point clé pour le développement de la prochaine génération de dispositifs électroniques.

Cette compréhension nécessite de pouvoir obtenir une image précise de l’arrangement spatial de toutes les entités du système. Hélas, l’observation d’espèces ioniques après leur adsorption sur le graphite reste souvent très difficile et ce pour plusieurs raisons : interactions complexes entre ions et substrat, mobilité des ions sur le substrat, inhomogénéité de surface… Les techniques classiques de caractérisation de couches minces sur surface comme la microscopie à force atomique (AFM)***, perturbée par la présence d’espèces chargées, ou la microscopie électronique qui endommage les échantillons, sont souvent incapables de fournir une image précise de la localisation des espèces organiques sur le graphite.

Des scientifiques de l’Institut de chimie de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg) et l’institut Franche-Comté électronique mécanique et optique – Sciences et technologies (FEMTO-ST / CNRS/Université de Franche-Comté) ont développé une méthode innovante pour localiser n’importe quelle espèce ionique sur une surface de graphite. Ils ont réussi ce tour de force en combinant la résonance magnétique nucléaire (RMN) du solide, couramment utilisée en chimie analytique, et la microscopie à force atomique (AFM), très prisée dans le domaine des nanosciences. En analysant à la fois les interactions entre les différents atomes des entités ioniques, données par la RMN, et les images AFM de la surface de graphite, les chercheurs ont réussi à positionner avec une précision de quelques dixièmes de nanomètres toutes des espèces ioniques sur différentes surfaces de graphite. Une méthode que les scientifiques aimeraient bien étendre à la caractérisation d’autres systèmes à base d’objets déposés sur surface :  capteurs chimiques ou biologiques, mémoires moléculaires, catalyseurs… Une histoire qui ne fait que commencer.

 

* Le caractère ionique des espèces déposées permet la circulation des charges au sein du matériau.

** La microscopie à force atomique (ou AFM pour Atomic Force Microscopy en anglais) est une technique de microscopie à sonde locale qui permet d'observer la topographie d'une surface.

Rédacteur : CCdM

Référence

Jean Joseph, Jésus Raya, Frank Palmino, Judicaël Jeannoutot, Mathilde Berville, Jean Weiss, Frédéric Chérioux & Jennifer A. Wytko

Self-assembled viologens on HOPG: Solid-state NMR and AFM unravel the location of the anions

Nanoscale 2024

https://pubs.rsc.org/en/Content/ArticleLanding/2024/NR/D4NR00894D

© Jennifer WYTKO

Contact

Jennifer Wytko
Chercheuse à l’Institut de chimie de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg)
Frédéric Cherioux
Chercheur à l’institut Franche-Comté électronique mécanique et optique – Sciences et technologies - FEMTO-ST (CNRS/Université de Franche-Comté)
Communication CNRS Chimie