EFFECTOR, un projet européen lumineux pour développer le photovoltaïque organique
Roger Hiorns, chercheur à l’Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l’environnement et les matériaux (IPREM – CNRS/Université de Pau et des Pays de l’Adour/IMT Mines Ales), vient d’obtenir un financement européen de trois millions d’euros pour son projet EFFECTOR sur le photovoltaïque organique. Avec son collègue Didier Bégué, enseignant-chercheur à l’Université de Pau, il revient sur les perspectives qu’ouvre cette technologie et sur les opportunités offertes par le programme Horizon Europe.
Quels sont les principaux défis auxquels le secteur du photovoltaïque est confronté aujourd’hui ?
Roger Hiorns : Le principal défi du photovoltaïque est sans conteste le rendement. Nous avons atteint un plafond pour le matériau le plus couramment utilisé aujourd’hui, à savoir le silicium. L’enjeu est donc de développer de nouvelles technologies, ou des combinaisons de technologies, et de trouver le meilleur compromis entre coût, efficacité, durabilité et flexibilité pour une application donnée.
A l’heure actuelle, plusieurs types de technologies solaires cohabitent, chacune avec ses avantages et ses inconvénients. Le photovoltaïque à base de silicium est très efficace et stable dans le temps, mais cette technologie reste chère et n’est ni flexible ni portative. Les pérovskites, dont on commence à voir les premiers exemples commerciaux en Chine, présentent également de bons rendements combinés à un coût de production moindre. Reste à résoudre les problèmes de toxicité et de dégradation rapide sous l'effet de l'humidité et de la chaleur.
Plus récemment, le photovoltaïque organique a vu le jour. Cette technologie très prometteuse utilise des petites molécules ou polymères organiques (à base de carbone) flexibles et légers qui peuvent être appliqués sur des surfaces courbes et portables. Son coût de production devrait être très faible, grâce à la simplicité des procédés d'impression, mais nous avons encore de la marge pour améliorer l’efficacité et la stabilité de cette technologie moins mûre.
Vous avez récemment obtenu un financement du programme Horizon Europe en tant que coordinateur pour votre projet EFFECTOR dans le domaine du photovoltaïque organique. Sur quoi portent ces recherches ?
Roger Hiorns : Avec le projet EFFECTOR, nous allons principalement nous concentrer sur le développement des polyfullerènes comme additifs pour le photovoltaïque organique. Il s’agit de polymères connus depuis les années 2000. Ils sont composés d’un enchaînement de fullerènes, ou C60, molécules en forme de ballon de football composées de 60 atomes de carbone. Depuis peu, ces polymères peuvent être produits de manière efficace et respectueuse de l’environnement. Ces matériaux s’avèrent très utiles pour stabiliser les panneaux solaires organiques, même les plus récents que nous appelons « non-fullerènes »[1]. D’une part, les polyfullerènes permettent de protéger la cellule photovoltaïque de l’oxydation, tout en augmentant la plage d’absorption de la lumière. D’autre part, ils la fortifient mécaniquement et la rendent plus flexible. Une cellule classique peut casser au bout de deux ou trois flexions ; avec l’ajout du polymère, elle ne bouge pas même après mille flexions. Industriellement, cela change tout car le photovoltaïque devient viable pour les objets du quotidien.
En quoi ce financement européen va-t-il vous aider à progresser dans vos recherches ?
Didier Bégué : Le montant important des financements européens constitue un avantage évident, mais selon moi le principal intérêt réside dans la dimension que l’Europe apporte à notre projet. Cela nous permet d’aller au-delà du laboratoire, de réunir des partenaires très différents qui apportent chacun leur pierre à l’édifice.
Roger Hiorns : Généralement, nos travaux à l’IPREM tournent autour du TRL[2] 1 ou 2, c’est-à-dire de la recherche très fondamentale. Ce projet européen nous permet de collaborer avec des partenaires industriels aux compétences variées. Par exemple, nous travaillons avec Polar (Finlande) pour des prototypes de moniteurs de fréquence cardiaque ; avec Dracula Technologies (France) pour la production de panneaux solaires ; avec InnoCell (Danemark) pour les supercapaciteurs… Ces industriels nous font aller jusqu’au TRL 6 ou 7, c’est-à-dire jusqu’à un système potentiellement commercialisable. Autrement dit, nous allons d’un bout à l’autre de la chaîne et n’aurions jamais eu cette opportunité seuls.
Didier Bégué : Travailler avec nos partenaires industriels est enrichissant pour tous. Nous leur permettons d’améliorer leur produit en repoussant les frontières de la connaissance en terme de synthèse et de formulation pour élaborer des molécules toujours plus efficaces. Eux nous permettent de vérifier concrètement si ce que nous prédisons en laboratoire fonctionne. En tant que théoricien, qui suis habitué à ce que mon « produit fini » soit le modèle informatique, c’est vraiment enthousiasmant.
Quels conseils donneriez-vous aux chercheurs qui souhaitent répondre à des appels à projets européens ?
Roger Hiorns : Mon premier conseil est de s’adresser à des ingénieurs de projets européens (IPE)[3], car la charge administrative est très lourde. J’en profite pour remercier Sabrina Paillet à Pau et Clémentine Gleizal à Bordeaux pour leur soutien !
Ma deuxième recommandation est de ne pas sous-estimer l’importance des échanges en amont du dépôt du dossier de candidature. Rencontrer les partenaires en présentiel change la donne car cela démontre le caractère sérieux de notre démarche tout en permettant de construire une relation de travail amicale et agréable. Si on compare avec la phase de construction du projet, qui a duré un an et demi, la période d’écriture du projet a été beaucoup plus rapide : les 50 pages ont été rédigées en trois semaines.
Mon dernier conseil est de construire une histoire qui vous ressemble. Un projet européen offre plus de moyens de s’exprimer. Alors laissez libre cours à votre créativité !
Rédacteur : CD
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Roger Hiorns et Didier Bégué recherchent un-e chargé-e de projet pour la gestion du projet européen EFFECTOR. Pour plus de renseignements, rendez-vous sur le Portail Emploi du CNRS.
[1] Les non-fullerènes, comme Y6 ou ITIC, sont des molécules capables de créer l’état excité des électrons, puis ensuite de les capter et de les envoyer vers les électrodes des panneaux solaires organiques. On y adjoint les polyfullerènes pour les stabiliser et aider avec le transfert de charges.
[2] L’échelle TRL (Technology Readiness Level) est un système de mesure employé pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie.
[3] Support local proposé par le CNRS pour aider au montage des projets européens.