Diagnostic : une méthode RMN pour caractériser la plasticité des membranes nucléaires

Résultats scientifiques

 

Afin de mieux comprendre la plasticité de la membrane nucléaire, une équipe de chercheurs de l’Institut de chimie et de biologie des membranes et des nanoobjets de Bordeaux et des chercheurs de l’université du Pays Basque (Bilbao, Espagne) et de l’université de Bath (Royaume Uni) ont travaillé sur des membranes de cellules embryonnaires de foie humain. Leur analyse, alliant la spectrométrie de masse et la RMN, a permis de mesurer l’élasticité des membranes, en l’associant à leur composition lipidique. Cette approche nouvelle pourrait être un indicateur dans le diagnostic de pathologies liées au cancer ou à la dystrophie musculaire.

Dans les cellules humaines, de nombreuses membranes délimitent des compartiments essentiels à la vie et à la mort cellulaire. En particulier, l’enveloppe des noyaux contenant l’ADN est composée d'une double bicouche lipidique, les membranes nucléaires interne et externe, accueillant des protéines membranaires ou des protéines attachées. A l’inverse de la membrane externe des cellules, la membrane nucléaire est supposée très plastique, pour accompagner les changements morphologiques du noyau lors des différentes phases de la réplication des cellules. Cette enveloppe nucléaire présente en particulier de grandes invaginations de taille submicrométrique : la membrane nucléaire pénètre profondément au cœur de l’ADN compacté, comme schématisé sur la figure ci-dessous. Leur rôle est encore inconnu, mais leur augmentation est liée à divers dysfonctionnements et souvent utilisée comme marqueur de conditions cancéreuses et de dystrophie musculaire.

Afin de mieux comprendre la plasticité de la membrane nucléaire, des chercheurs de l’Institut de Chimie et de Biologie des Membranes et des Nanoobjets de Bordeaux et des chercheurs de l’Université du Pays Basque (Bilbao, Espagne) et de l’Université de Bath (Royaume Uni) ont travaillé sur les membranes nucléaires de cellules embryonnaires de foie humain. Après avoir isolé les noyaux du reste de la cellule par une méthode n’utilisant pas des détergents, mais un appareil sous pression d’azote induisant l’ouverture des cellules par cavitation, ils ont purifié les lipides des 2 membranes entourant les noyaux. Une analyse alliant la spectrométrie de masse et la RMN des liquides a permis de mettre en évidence une composition lipidique atypique, avec de grandes quantités de lipides phosphatidylcholines, phosphatidylinositols et cholestérol et surtout la présence de très nombreuses insaturations rendant la membrane extrêmement fluide. Ces lipides extraits ont été reconstitués en vésicules et observés par RMN des solides, grâce à l’infrastructure de recherche française de RMN à très hauts champs. Les spectres de ces vésicules initialement sphériques se sont montrés très déformés sous l’effet de champs magnétiques, phénomène qui n’est habituellement pas observé avec des vésicules lipidiques issues de la membrane plasmique ou d’autres compartiments cellulaires. En utilisant une théorie physique adaptée, les chercheurs ont relié la déformation des spectres à la déformation des vésicules en ellipsoïdes de révolution, de type prolate, avec une élasticité de la membrane 100 fois plus importante que celle de la membrane plasmique entourant les cellules, expliquant leur déformation par les champs magnétiques. Les chercheurs ont associé cette propriété à la composition lipidique particulière des membranes nucléaires et en particulier aux taux d’instauration important des chaines aliphatiques des lipides. Cette méthode nouvelle et relativement simple de mesurer l’élasticité des membranes, en l’associant à leur composition lipidique, ouvre un champ nouveau pour caractériser la plasticité des membranes qui pourrait être affectée en particulier lors de pathologies.

© E.Dufourc

Légende : Gauche : Cellules embryonnaires de foie humain, bleu (ADN), vert (Membranes). La flèche montre l’invagination de la membrane dans l’ADN (échelle 10 µm). Droite : spectre de RMN des solides du phosphore des lipides extraits de la membrane nucléaire, reconstitués sous forme de vésicules micrométriques, et schéma illustrant leur déformation en ellipsoïde de révolution prolate sous l’effet d’un champ magnétique.

Référence :

Dazzoni et al. Nature Scientific Reports, (2020) 10:5147 | https://doi.org/10.1038/s41598-020-61746-0 & Analytical Chemistry (2020).

Contact

Erick Dufourc
Chercheur à l'INSTITUT DE CHIMIE ET DE BIOLOGIE DES MEMBRANES ET DES NANOOBJETS (CBMN)
Banafshe Larijani
Université de Bath (UK)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS