Des vecteurs d’acides nucléiques auto-fabriqués pour cibler les cellules cancéreuses

Résultats scientifiques

Les siARN sont des acides nucléiques de petite taille capables de bloquer des gènes précis, et donc de perturber le fonctionnement d’une cellule, par exemple cancéreuse. Ils ont cependant besoin de vecteurs, typiquement un polymère, pour pénétrer la membrane cellulaire. Des chercheurs de l’IBMM (CNRS/Université de Montpellier/ENSCM) ont développé une méthode où les siARN induisent l’autoassemblage de leurs propres vecteurs polymères. Selon ces travaux publiés dans la revue Angewandte Chemie, cela déclenche une délivrance ciblée dans des cellules cancéreuses.

Afin d’introduire des acides nucléiques dans des cellules pour traiter différentes pathologies, les chercheurs synthétisent des molécules appelées vecteurs et qui sont utilisées, par exemple, pour introduire de petits ARN interférents (siARN). Ces courts segments d’acides nucléiques sont en effet capables de bloquer de façon ciblée l’expression d’un gène. L’auto-assemblage est récemment apparu comme une alternative prometteuse à la synthèse de vecteurs, car il peut conduire à une auto-fabrication de macromolécules mieux adaptées à la cible à vectoriser. Dans cette optique, des chercheurs de l’Institut des Biomolécules Max Mousseron (IBMM, CNRS/Université de Montpellier/ENSCM) ont trouvé un système qui s’auto-assemble uniquement en présence du siARN et conduit, via la reconnaissance de récepteurs membranaires sur-exprimés à la surface de certaines cellules, à sa délivrance sélective. Le principe est le suivant : le vecteur identifié est auto-fabriqué par le siARN lui-même qu’il délivre spécifiquement dans des cellules cancéreuses.

Pour cela, l’équipe a employé une technique dite de polymérisation covalente dynamique, élaborée à partir d’acides aminés modifiés pour accepter certaines molécules, glycosylées, par une réaction click simple et versatile. Les scientifiques ont conçu ces monomères pour s’accrocher d’eux-mêmes aux fragments de siARN qui passent à leur portée. Une fois à proximité les uns des autres, ils forment une liaison covalente entre voisins et donnent naissance au polymère dynamique covalent. Cet assemblage auto-fabriqué présente à sa surface un nombre contrôlé de ligands glycosylés qui sont chargés de viser des récepteurs membranaires de certains types de cellules. On obtient ainsi tout un polymère qui fonctionne comme vecteur de siARN. S’il n’est pas accroché à d’autres monomères, le bloc initial reste inactif, alors qu’une fois assemblé par le siARN, il conduit à une délivrance sélective via le ciblage spécifique de récepteurs membranaires. Ces travaux, financés par l’ANR, le LabEx CheMISyst et la Ligue nationale contre le cancer, ouvrent de nouveaux horizons vers des vecteurs auto-fabriqués et ciblés de différents acides nucléiques en plus du siARN.

Le polymère (boules colorées) est capable de libérer le siARN (rubans rouge et bleu) dans des cellules spécifiques, grâce à des agents de ciblage (triangles orange) qui s’accrochent à des récepteurs membranaires (en bleu). © Laroui et al.

Référence

Cell‐selective siRNA delivery using glycosylated dynamic covalent polymers self‐assembled in situ by RNA‐templating Nabila Laroui, Maëva Coste, Dandan Su, Lamiaa Ali, Yannick Bessin, Mihail Barboiu, Magali Gary-Bobo, Nadir Bettache, Sébastien Ulrich Angewandte Chemie International Edition, 2021, sous presse (DOI 10.1002/anie.202014066).

https://doi.org/10.1002/anie.202014066

Contact

Nadir Bettache
Chercheur, Institut des biomolécules Max Mousson (CNRS/Université de Montpellier/ENSC Montpellier)
Sébastien Ulrich
Chercheur, Institut des biomolécules Max Mousson (CNRS/Université de Montpellier/ENSC Montpellier)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS