Des polymères cycliques contre les infections à Clostridioïdes difficile

Résultats scientifiques

Clostridioïdes difficile est un pathogène du tube digestif responsable d’infections nosocomiales chez l’adulte, dont les formes graves peuvent aller jusqu’à la mort du patient. Le traitement consiste généralement en l’administration d’antibiotiques ne permettant pas de traiter toutes les situations, et garde un taux de récidive de la maladie extrêmement élevé. Des scientifiques du LCPO (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP), du LCC (CNRS) et du LPBA (CNRS/Université de Paris/Institut Pasteur) ont réussi la synthèse de polymères macrocycliques capables de prévenir efficacement la croissance de C. difficile, tout en résistant aux dégradations enzymatiques dans le tube digestif. Ces travaux viennent d’être publiés dans Journal of the American Chemical Society et un brevet a été déposé dans la perspective d’un développement pharmaceutique.

Dans le domaine de la santé, les polymères présentent des propriétés qui leur permettent par exemple de rentrer dans la préparation d’implants souples biocompatibles, ou de servir d’agent de vectorisation chargé d’acheminer une molécule active jusqu’à sa cible sans qu’elle soit préalablement dégradée. Les chercheurs s’intéressent de plus en plus à l’utilisation de ces polymères en tant que substances actives médicamenteuses. Des scientifiques du Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO, CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP), du Laboratoire de chimie de coordination (LCC, CNRS) et du laboratoire Pathogenèse des bactéries anaérobies (LPBA, CNRS/Université de Paris/Institut Pasteur) ont réussi à obtenir un polymère biomimétique original, actif contre la bactérie Clostridioïdes difficile.

Les chercheurs se sont pour cela inspirés des peptides antimicrobiens cycliques, des molécules naturellement produites par les micro-organismes pour lutter contre les bactéries concurrentes. Isolés, les peptides antimicrobiens ont démontré une activité puissante contre les bactéries pathogènes et sont considérés comme des candidats médicaments prometteurs mais fragiles par voie orale. Les chercheurs ont ainsi conçu des polymères cycliques, chimiquement très proches de ces peptides antimicrobiens, en leur donnant une structure les protégeant de certaines molécules du tube digestif : les protéases. Obtenir ces polymères cycliques, appelés poly(α-peptoïdes), pose un certain nombre de difficultés techniques que les chimistes ont résolues : ils ont d’abord choisi les bonnes briques moléculaires (appelées N-NCA) pour former le polymère, puis ont exposé ces briques à l’action du LiHMDS. Ce composé chimique contenant du lithium est une base extrêmement forte, qui permet la formation et la stabilisation de structures cycliques macromoléculaires. Ces polymères cycliques sont par ailleurs résistants à la digestion des enzymes gastriques, ce qui n’est pas le cas de la plupart des peptides antimicrobiens naturels. L’optimisation du choix des briques a ensuite permis de concevoir des polymères cycliques pour les utiliser en tant que substance active médicamenteuse contre C. difficile. L’équipe vient de déposer un brevet dans l’espoir d’obtenir à terme un médicament administrable par voie orale ciblant C. difficile et d’autres pathogènes du tube digestif, ainsi que, à moyen terme, d’autres sites infectieux.

La réaction au moment où le LiHMDS permet aux monomères de former des polymères cycliques. © Salas-Ambrosio et al.

Référence

Cyclic Poly(α-peptoid)s by Lithium bis(trimethylsilyl)amide (LiHMDS)-mediated Ring-Expansion Polymerization: simple access to bioactive backbones Pedro Salas-Ambrosio, Antoine Tronnet, Marc Since, Sandra Bourgeade-Delmas, Jean-Luc Stigliani, Amelie Vax, Sébastien Lecommandoux, Bruno Dupuy, Pierre Verhaeghe, Colin Bonduelle Journal of the American Chemical Society, 2021, 143(10), 3697-3702.

https://doi.org/10.1021/jacs.0c13231

Contact

Colin Bonduelle
Chercheur, Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO, CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS