Des moteurs moléculaires pour détruire des structures impliquées dans la maladie d'Alzheimer
Les plaques amyloïdes, associées à de nombreuses pathologies cérébrales comme la maladie d’Alzheimer, se forment suite à l’agrégation en fibres de peptides ou protéines courtes. Pouvant atteindre plusieurs microns, ces agrégats délétères sont très stables et difficile à éradiquer. Dans un article paru dans la revue Advanced Materials, des chimistes de l’Institut Charles Sadron montrent que ces agrégats peuvent être détruits par des moteurs moléculaires.
En 1980, le célèbre physicien et lauréat du prix Nobel Richard Feynman démontrait théoriquement comment extraire un travail mécanique à partir d’une molécule unique en utilisant une source d'énergie. Depuis, les premières synthèses de moteurs moléculaires artificiels utilisant ce principe ont vu le jour. Les scientifiques fondent beaucoup d’espoir sur ces petites machines à l’échelle nanométrique qui pourraient être à la base d'une révolution dans plusieurs domaines émergents tels que la nanomédecine, la nanorobotique et les matériaux intelligents.
Une équipe de l’Institut Charles Sadron, spécialisée dans la conception de machines moléculaires, est parvenue à synthétiser de nouveaux moteurs rotatifs activés par la lumière qui pourraient bien aider à détruire les plaques amyloïdes. Ces agrégats très stables se forment suite à l’agrégation sous forme de fibres de protéines et peptides et sont à l’origine de nombreuses pathologies cérébrales, notamment la maladie d’Alzheimer. Les moteurs conçus par l’équipe comportent des fonctions d'ancrage spécifiques qui leur permettent de pénétrer et de se fixer solidement aux structures modèles de fibres β-amyloïdes. Une fois ancrés par quatre bras de fixation dans l’agencement moléculaire des fibres, ces moteurs peuvent tourner constamment à haute fréquence sous stimulation lumineuse. Le couple mécanique ainsi généré est capable de détruire les structures stables de la β-amyloïde en la décomposant en petites particules solubles. L’efficacité du travail de destruction peut être suivi in situ par microscopie à force atomique (AFM).
Ces résultats sont une première démonstration qu'un travail mécanique efficace peut être généré de manière précise à l’échelle nanométrique pour s’attaquer à des structures biologiquement pertinentes, ici les fibres amyloïdes réputées pour leur grande stabilité. Parus dans la revue Advanced Materials, ils mettent en évidence le véritable potentiel des moteurs moléculaires pour devenir les plus petits éléments actifs dans les biomatériaux intelligents, avec des applications attendues dans les nanotechnologies et la nanomédecine.
Référence
Out-of-equilibrium mechanical disruption of β-amyloid fibers using light-driven molecular motors
Dania Daou, Yohan Zarate, Mounir Maaloum, Dominique Collin, Guillaume Fleith, Doru Constantin, Emilie Moulin & Nicolas Giuseppone
Advanced Materials 2024
https://doi.org/10.1002/adma.202311293