Des machines moléculaires contre le cancer
Stratégie anticancer : la toxicité de la nanomachine est inhibée dans l’environnement des cellules saines, mais activée par les cellules cancéreuses©Cheng et al...

Des machines moléculaires contre le cancer

Résultats scientifiques Vivant et santé Molécules

Le grand défi de la chimiothérapie consiste à attaquer les tumeurs tout en épargnant les tissus sains. Pour y répondre, des chercheurs de l’Institut de chimie radicalaire (ICR, CNRS/Aix-Marseille Université) et de l’université chinoise de Macao proposent d’utiliser des machines moléculaires. Leur molécule anticancéreuse est inhibée par une macromolécule, qui ne lui rend sa toxicité qu’une fois au voisinage des cellules cancéreuses. Ces travaux, publiés dans la revue Chemical Communication, permettraient de limiter les effets secondaires du traitement.

Seulement connus depuis l’an 2000, les macrocycles synthétiques de type cucurbit[n]urile (CB[n]) peuvent s’associer à d’autres molécules pour former des complexes supramoléculaires. Aussi appelés machines moléculaires, ces ensembles résultent du fonctionnement commun de plusieurs molécules, sans qu’elles soient rattachées entre elles par des liaisons atomiques. Les CB[n] s’illustrent par leur biocompatibilité, leur capacité à piéger une grande variété de molécules et à les relâcher en réponse à de nombreux stimuli. Elles montrent également des affinités notables avec des dérivés de viologène, une famille de composés azotés dont la toxicité est exploitée pour des pesticides. Cette propriété est en revanche inhibée lorsque le viologène est inclus dans la cavité d’un CB[n]. Des chercheurs de l’Institut de chimie radicalaire (ICR, CNRS/Aix-Marseille Université) et de l’université de Macao ont utilisé le cucurbit[7]urile (CB[7]) pour encapsuler des viologènes, afin de les exposer au seul contact des tumeurs, leur évitant de cette manière d’attaquer les tissus sains.

À cause de leur forte activité qui libère beaucoup de protons, l’environnement proche des cellules cancéreuses est plus acide (pH < 6,8) que les tissus sains (pH 7,4). Or le complexe viologène-CB[7] absorbe ces protons surnuméraires, ce qui change sa structure et expose la partie toxique des viologènes. Au contact d’un pH moins acide, cette toxicité sera de nouveau inhibée, protégeant ainsi l’organisme. D’autres travaux sont en cours pour améliorer la sélectivité observée, mais ces résultats préliminaires illustrent d’ores et déjà les avantages des cucurbit[n]uriles, notamment en termes de robustesse et de réponse vis-à-vis de stimuli judicieusement choisis.

Référence

Qian Cheng, Hang Yin, Roselyne Rosas, Didier Gigmes, Olivier Ouari, Ruibing Wang, Anthony Kermagoret and David Bardelang

A pH-driven ring translocation switch against cancer cells

Chem. Commun., 15 novembre 2018, 54, 13825-13828.

DOI:10.1039/C8CC08681H

Contact

Anthony Kermagoret
Institut de chimie radicalaire
David Bardelang
Chercheur à l'Institut de chimie radicalaire
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Sophie Félix
Chargée de communication
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC