Des feuillets de graphène fluorescent par autoassemblage supramoléculaire

Résultats scientifiques

Lorsqu’une surface de graphène adsorbe une monocouche de molécules, on cherche généralement à obtenir une synergie entre leurs propriétés optiques ou électroniques. Le graphène joue cependant mal son rôle de support pour les composés fluorescents, dont il éteint l’émission de lumière à cause d’interactions électroniques. Des chercheurs des laboratoires 2B-FUEL (CNRS/Sorbonne Université/Université Yonsei), MONARIS (CNRS/Sorbonne Université) et de l’Université Yonsei (Corée du Sud) ont contourné le problème grâce à la reconnaissance supramoléculaire sur surface : le composé fluorescent est lié au graphène par l’intermédiaire d’une molécule espaceur, qui empêche les interactions délétères. Publiés dans la revue Materials Horizons, ces travaux devraient permettre de développer des composants optiques ultraminces.

Le graphène est une forme cristalline du carbone qui adopte une géométrie de feuillet ultramince. Des monocouches d’autres matériaux peuvent s’adsorber sur ces feuillets et combiner leurs propriétés à celles de ce support ultramince pour obtenir des matériaux bidimensionnels très intéressants. Mais dans le cas de chromophores organiques fluorescents, des composés qui émettent de la lumière quand ils sont éclairés, le graphène génère des interactions électroniques à l’origine de l’extinction de la fluorescence. Pour contrer ce phénomène, la distance entre les molécules et le graphène ainsi que leur orientation doivent être contrôlées. Des chercheurs du laboratoire Building blocks for future electronics laboratory (2B-FUEL, CNRS/Sorbonne Université/Université Yonsei), du laboratoire De la molécule aux nano-objets : réactivité, interactions et spectroscopies (MONARIS, CNRS/Sorbonne Université) et de l’université Yonsei (Corée du Sud) ont utilisé la chimie supramoléculaire sur surfaces et le concept de chimie « hôte-invité » pour disposer, sans interaction électronique, les chromophores sur le graphène.

Pour cela, les chimistes ont déposé une monocouche de 1,3,5-tristyrylbenzene sur le graphène via un autoassemblage supramoléculaire, c’est-à-dire que ces molécules s’organisent d’elles-mêmes, pour former un réseau alvéolaire de type nid d’abeille. Celui-ci reconnaît sélectivement un complexe de phthalocyanine de zinc à ligand axial incorporant un chromophore. La phtalocyanine se posant à plat dans les cavités du réseau, le chromophore se retrouve alors orienté perpendiculairement au graphène et positionné à une distance suffisante pour éviter les interactions électroniques : sa fluorescence est ainsi préservée. Cette stratégie, publiée dans la revue Materials Horizons, ouvre des perspectives pour la réalisation de composants électroluminescents ultraminces, ainsi que, pour la recherche fondamentale, permettre une électroluminescence induite par la pointe d’un microscope à effet tunnel. Les chercheurs tentent à présent d’étendre leur système à d’autres chromophores, ainsi qu’à des molécules photochromes, c’est-à-dire qui commutent réversiblement entre deux états lorsqu’on les éclaire.

Rédacteur: AVR

© Kim et al.

Légende image : La surface de graphène (en gris) est recouverte d’une couche autoassemblée de type nid d’abeille (en vert), disposée en grandes alvéoles hexagonales. Le chromophore (halo rouge), complexé à la phthalocyanine de zinc (disque jaune) piégée à plat dans les cavités, est positionné au-dessus à la surface, perpendiculairement, et ainsi n’interagit pas avec le graphène.

Référence

Byeonggwan Kim, Cheolhyun Cho, Imad Arfaoui, Céline Paris, Christophe Petit, Tangui Le Bahers, Eunkyoung Kim et André-Jean Attias. 2D host–guest supramolecular chemistry for an on-monolayer graphene emitting platform. Materials Horizons, 2020, 7, 2741

DOI: 10.1039/D0MH00950D

Contact

André-Jean Attias
Professeur, Building Blocks for FUture Electronics Laboratory, (2B-FUEL)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS