Des catalyseurs off/on à base de caténanes

Résultats scientifiques

Inspirés par les travaux pionniers de Jean-Pierre Sauvage, Prix Nobel de Chimie en 2016, des chimistes ont conçu des catalyseurs originaux activables « à la demande ». Ces systèmes moléculaires à base de caténanes de cuivre auto-immolables, i.e qui s'ouvrent de façon contrôlable, sont présentés dans la revue Angewandte Chemie International Edition.

Les molécules entrelacées, telles que les rotaxanes ou les caténanes, présentent des propriétés particulières qui découlent de la présence au sein de leur structure d’une ou plusieurs liaisons mécaniques. Un rotaxane est une molécule constituée d'un anneau – une grande molécule cyclique appelée macrocycle - lié mécaniquement à une molécule linéaire qui le traverse de part en part et autour de laquelle il peut tourner, tandis qu’un caténane est formé d'au moins deux anneaux imbriqués l'un dans l'autre comme les maillons d’une chaine. Depuis leur découverte, ces molécules uniques qui peuvent agir comme de véritables moteurs moléculaires ont rapidement trouvé des applications dans des domaines aussi variés que l’énergie, la médecine, les matériaux, la catalyse etc.

Des chimistes de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers) ont récemment étudié la possibilité d’utiliser les propriétés des caténanes pour concevoir des catalyseurs originaux à base de cuivre activables « à la demande ». Les molécules étudiées sont constituées d’un ion cuivreux (Cu+) encapsulé au sein de deux macrocycles associés entre eux par une liaison mécanique. Ainsi « emprisonné » dans la cavité formée par les deux anneaux entrelacés, le Cu+ ne peut pas catalyser la réaction pour laquelle il était prévu, ici une réaction de chimie click.* Dans cette configuration, le catalyseur est donc en mode OFF. En revanche, en présence d’un stimulus spécifique, les deux macrocyles peuvent s’ouvrir (ils sont dits auto-immolables), libérant ainsi l’activité catalytique du Cu+ (catalyseur ON).

Si l’ouverture des anneaux moléculaires est elle-même catalytique, ces nouveaux catalyseurs OFF/ON peuvent servir à amplifier un signal, par exemple la détection de molécules organiques ou de métaux à de très faibles concentrations. Ainsi, grâce au contrôle de la rupture de la liaison mécanique de leurs caténanes de cuivre, les chimistes ont pu mettre en évidence la présence de palladium à des concentrations aussi faibles que 1 ppb (partie par milliard). L’activation des caténanes de cuivre pouvant être contrôlée de façon spatio-temporelle, elle permet également de déclencher la synthèse d’une molécule d’intérêt uniquement là où on le souhaite et lorsqu’on le souhaite. Cette approche ouvre des perspectives pour le traitement localisé et parfaitement ciblé de tumeurs par un agent anti-cancéreux formé en leur sein de manière catalytique en évitant les effets secondaires sur les tissus sains. Ces résultats sont parus dans la revue Angewandte Chemie International Edition.

*Développée par les Professeurs K. Barry Sharpless et Morten Medal qui ont reçu le Prix Nobel de Chimie en 2022, la chimie click regroupe les réactions biocompatibles qui permettent d’accrocher chimiquement une biomolécule spécifique à un substrat choisi.

Mécanisme d’activation des catalyseurs OFF/ON à base de caténanes auto-immolables.© Sébastien Papot

Référence

Adrien Bessaguet, Quentin Blancart-Remaury, Pauline Poinot, Isabelle Opalinski & Sébastien Papot
Stimuli-Responsive Catenane-Based Catalysts
Angewandte Chemie International Edition 2022

https://doi.org/10.1002/anie.202216787

Contact

Sébastien Papot
Chercheur à l'Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS