Des catalyseurs d’argent nanostructurés pour valoriser le CO2

Résultats scientifiques

La valorisation du dioxyde de carbone, CO2, en le convertissant en briques moléculaires élémentaires utilisables par l’industrie pétrochimique ou comme combustibles est une stratégie qui permettrait, à terme, de boucler le cycle du carbone. Parmi les technologies envisagées, la réduction électrochimique, ou électrolyse, du CO2 en monoxyde de carbone (CO) et dioxygène (O2) en utilisant des sources d’énergie renouvelable suscite un grand intérêt. Une équipe de recherche de l'IEM (CNRS / ENSC Montpellier / Université de Montpellier) a récemment mis au point une nouvelle stratégie pour maximiser les performances des catalyseurs nécessaires à cette conversion. Ces résultats, publiés dans la revue ACS Nano, permettent d’envisager une transformation éco-responsable du CO2 en ressource.

Nombreux sont les chimistes qui s’intéressent au CO2 en tant que ressource et non comme ce déchet qui symbolise une surconsommation collective d’énergies fossiles. La Nature a depuis longtemps donné l’exemple avec la photosynthèse, fantastique génie des plantes qui utilise l’énergie solaire pour faire du CO2 leur principale source d’énergie. Néanmoins, transformer le CO2 reste une tâche difficile en raison de la très grande stabilité chimique des liaisons carbone-oxygène. Une stratégie consiste à mettre au point des électrolyseurs de forte puissance qui utilisent un catalyseur pour fournir des densités de courant suffisantes pour casser la molécule de CO2. L'argent (Ag) a été identifié comme un candidat prometteur pour convertir le CO2 en CO, directement valorisable pour d’autres transformations. Cette stratégie se heurte cependant à une faible activité et une faible sélectivité du catalyseur. Des études récentes ont montré que les performances des électrocatalyseurs à base d'Ag pouvaient être considérablement améliorées en les nanostructurant ou en modifiant leur chimie de surface.

 

Dans ce contexte, une équipe internationale menée par des chercheurs de l'Institut Européen des Membranes (CNRS/ENSC Montpellier/Université de Montpellier), en collaboration avec des chercheurs de l'Université de Shenzhen et de l'Université de Jilin en Chine, ont mis au point une nouvelle stratégie pour fortement améliorer les performances des catalyseurs à base d’Ag. Leur études, corroborées par des calculs théoriques, ont en effet montré que le catalyseur d’Ag peut spontanément former des nanocristaux en forme de prisme dont l’activité de surface n’est pas du tout uniforme. Ainsi, les arrêtes de ces nanoprismes sont des sites privilégiés pour la conversion du CO2 tandis que les faces planes sont également le lieu de réactions parasites comme l’électrolyse de l’eau. L’idée consiste dès lors à contrôler l’exposition des « bons » sites actifs des nanocristaux d’argent en développant une stratégie d'auto-assemblage qui favorise l’empilement de prismes bidimensionnels afin de maximiser le nombre d’arrêtes. Ces nanoprismes empilés verticalement sous forme de superstructures permettent l'exposition de plus de 95% des sites de bord, ce qui se traduit par une amélioration de la sélectivité et de l’activité catalytique pour la production de CO à partir de CO2. En outre, en contrôlant la chimie de ces nanoprismes, les chercheurs ont pu identifier et quantifier de manière directe l’activité des sites de bords, qui s’avère nettement supérieure aux catalyseurs existants. Ces travaux, menés dans le cadre du Conseil européen de la recherche (CER) dans le cadre du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne (convention de subvention n ° 804320), ont été publiés dans la revue ACS Nano.

Les empilements obtenus par auto-assemblage de nanoprismes d'Ag présentent une majorité de sites actifs pour la conversion du dioxyde en monoxyde de carbone et une efficacité inégalée pour ce catalyseur.@ Kun Qi

Référence

Enhancing the CO2-to-CO Conversion from 2D Silver Nanoprisms via Superstructure Assembly, Kun Qi, Yang Zhang, Ji Li, Christophe Charmette, Michel Ramonda, Xiaoqiang Cui, Ying Wang, Yupeng Zhang, Huali Wu, Wensen Wang, Xiaolin Zhang, Damien Voiry. ACS Nano 16 avril 2021.

 

DOI: 10.1021/acsnano.1c01281

Contact

Damien Voiry
Chercheur à l’Institut européen des membranes (CNRS/Université de Montpellier/ENSCM)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS