De nouveaux générateurs thermoélectriques à haute puissance
Les générateurs thermoélectriques, capables de produire une puissance électrique à partir d’une différence de température, offrent la possibilité de valoriser les énormes quantités de chaleur perdue quotidiennement. L’exploitation des matériaux thermoélectriques se heurte néanmoins à de nombreux verrous, notamment la faible puissance électrique générée. En jouant sur l’architecture des parties actives de ces dispositifs, des scientifiques de l’IJL (CNRS/Université de Lorraine), en collaboration avec le Fraunhofer IPM de Fribourg (Allemagne), l’ICMPE (Université Paris Est Créteil /CNRS) et le JPL à Pasadena, Etats-Unis (NASA), ont développé des générateurs à haute densité de puissance électrique qui surpassent les meilleurs résultats obtenus jusqu’à présent. Ces travaux sont à retrouver dans la revue Advanced Energy Materials.
Certains matériaux possèdent la particularité de produire une tension électrique sous l’effet d’un flux de chaleur qui les traverse. La génération d’électricité par cet effet, dit effet Seebeck, offre une solution élégante pour récupérer la chaleur fatale, ces énormes quantités de chaleur dissipées quotidiennement dans notre environnement, et la convertir en électricité. Longtemps, ces générateurs thermoélectriques ont été cantonnés à des applications spatiales et leur extrême fiabilité a justifié leur utilisation pour fournir l’électricité à la grande majorité des sondes envoyées dans l’espace (Voyager, Pioneer, New Horizons…) et des rovers martiens (Curiosity et Perseverance). Cependant, leur coût élevé et leur faible rendement par rapport à d’autres technologies vertes de conversion de l’énergie, comme les cellules solaires, ont été un frein à leur développement pour des applications plus courantes.
Ces générateurs sont composés de deux plaques céramiques séparées par des « jambes » de matériaux thermoélectriques, le plus souvent des semi-conducteurs. Pour une différence de température donnée, plus la hauteur des jambes est faible, plus la puissance électrique générée par le dispositif est importante. Cet avantage est toutefois contre balancé par une augmentation significative des contraintes thermomécaniques lorsque la taille des jambes semi-conductrices se réduit, limitant fortement la durée de vie du dispositif. Pour contourner cet obstacle, une équipe de l’Institut Jean Lamour a récemment proposé une nouvelle architecture des jambes thermoélectriques basée sur l’alternance de couches de matériaux thermoélectriques ayant une faible épaisseur (~1 mm) et de couches de composites métalliques qui jouent le rôle de tampon thermomécanique. Cette innovation a été testée sur des générateurs thermoélectriques intégrant des matériaux skutterudites* combinés à deux types de composites métalliques. Des densités de puissance excédant largement celles de l’état de l’art ont ainsi été obtenues, avec notamment une amélioration record atteignant 260 %. Grâce à cette stratégie de multicouches, applicable à d’autres familles de composés thermoélectriques performants, une nouvelle génération de générateurs thermoélectriques à haute densité de puissance pourrait bien voir le jour.
Rédacteur: AVR
*Les skuttérudites, de formule chimique de base CoSb3, sont des matériaux semi-conducteurs qui tirent leur nom de la ville minière norvégienne Skutterud où ces minéraux ont été découverts en 1845.
Référence
High Power Density Thermoelectric Generators with Skutterudites
Soufiane El Oualid, Iurii Kogut, Mohamed Benyahia, Eugen Geczi, Uwe Kruck, Francis Kosior, Philippe Masschelein, Christophe Candolfi, Anne Dauscher, Jan Dieter Koenig, Alexandre Jacquot, Thierry Caillat, Eric Alleno, and Bertrand Lenoir, Advanced Energy Materials, vol. 11, 2100580, 1er Avril 2021.