Une nouvelle méthode pour analyser la capsule protectrice d'un champignon pathogène
Cryptococcus neoformans est un champignon qui provoque des infections graves chez les personnes immunodéprimées. Il possède en effet autour de la paroi cellulaire une capsule polysaccharidique complexe et mal connue qui le protège des défenses immunitaires. Une équipe de scientifiques du CNRS et de l'Université de Bordeaux a mis au point une approche innovante qui combine la spectroscopie RMN et analyse multidimensionnelle, et permet d'étudier cette capsule à l’échelle atomique sans extraction préalable.
Cryptococcus neoformans est un champignon généralement inoffensif pour l’homme que l’on peut trouver aussi bien dans les zones urbaines que rurales. Chez les personnes immunodéprimées, notamment celles atteintes de VIH/SIDA, il peut devenir pathogène et provoquer des infections graves, la plus courante étant la méningite. L'une des caractéristiques les plus importantes de Cryptococcus neoformans est la présence d’une capsule polysaccharidique autour de la paroi cellulaire qui le protège contre la phagocytose (l'absorption et la destruction par les cellules du système immunitaire). Cette capsule, absente chez la plupart des espèces fongiques, rend donc le champignon particulièrement difficile à éliminer par un système immunitaire déficient.
La connaissance de la composition moléculaire, de l'organisation structurelle et de la mobilité des polysaccharides constituant cette enveloppe s’avère cruciale pour comprendre le rôle de ces paramètres dans la pathogénicité et pour, in fine, identifier des cibles antifongiques potentielles. Comprendre l’organisation de cette capsule constituée de sucres complexes reste un défi technologique important car il n’existe aucun protocole d’extraction qui permettrait de l’isoler pour l’analyser à l’échelle atomique par des techniques classiques de laboratoire.
Dans une étude publiée dans le Journal of the American Chemical Society, des scientifiques du CNRS et de l’université de Bordeaux1 ont développé une approche analytique innovante permettant d’étudier à une résolution atomique l’organisation architecturale de la capsule qui recouvre la paroi cellulaire. Pour cela, ils ont combiné spectroscopie de RMN du solide avec rotation à l’angle magique2 et « analyse multi-dimensionnelle du proton » qui permet d’identifier plus facilement les interactions entre les atomes. Ils ont ainsi pu isoler les contributions de la capsule externe très mobile de celles de la paroi cellulaire rigide interne, en réalisant les mesures in situ sur des cellules intactes. Leurs résultats leur ont permis l’identification rapide des sucres polymériques de la capsule ainsi que leurs mouvements interne au sein de la paroi sans avoir besoin de les extraire de la paroi cellulaire.
Cette nouvelle approche pourrait maintenant être étendue à l’étude d’autre organismes vivants comme les bactéries potentiellement pathogènes Neisseria meningitidis et Streptococcus pneumoniae qui possèdent également une capsule protectrice en surface.
Rédacteur : CCdM
- 1Institut de chimie et biologie des membranes et des nano-objets (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux), Institut Européen de chimie et biologie (CNRS/INSERM/Université de Bordeaux), en collaboration avec l’Institut Pasteur (Unité Mycologie Moléculaire), l Institute of Science and Technology de Vienne (Autriche) et l infrastructure Infranalytics de CNRS Chimie.
- 2Technique analytique utilisée pour étudier la structure et la dynamique des matériaux solides, y compris les biomolécules.
Référence
Lends A, Lamon G, Delcourte L, Sturny-Leclere A, Grélard A, Morvan E, Abdul-Shukkoor MB, Berbon M, Vallet A, Habenstein B, Dufourc EJ, Schanda P, Aimanianda V & Loquet A
Molecular Distinction of Cell Wall and Capsular Polysaccharides in Encapsulated Pathogens by In Situ Magic-Angle Spinning NMR Techniques
J. Am. Chem. Soc. 2025
https://doi.org/10.1021/jacs.4c16975
