[Covid-19] Un chercheur face à l’urgence d’un test de détection du SRAS-CoV-2

COVID-19 Entretiens

Dans une France en plein confinement, Arnaud Gautier, directeur de recherche CNRS à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand (CNRS / UCA / SIGMA) a abandonné le télétravail pour renouer avec la paillasse et répondre à une urgence : la synthèse d’une molécule pour une start-up américaine développant des tests rapides de dépistage du SARS-CoV-2. Retour sur une période singulière.

Mars 2020. Clermont-Ferrand. La France est confinée, en pleine crise sanitaire. L’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand est à l’arrêt. Les laboratoires de recherche sont fermés, comme tous les bâtiments du campus universitaire. Chercheurs, ingénieurs, techniciens, administratifs… Tous télétravaillent. « C’est à ce moment que j’ai reçu une demande de la part d’une startup américaine pour la synthèse d’une molécule fluorescente destinée à développer de nouveaux tests du SARS-CoV-2 » rapporte Arnaud Gautier, Directeur de Recherche au sein de l’équipe Chimie Organique et Médicinale. La demande n’est pas une grande surprise. « Je travaillais déjà avec Facible, cette startup cofondée par une ancienne et brillante doctorante du laboratoire, Clémentine Gibard Bohachek. Leurs travaux, confidentiels, basés sur une technique appelée Quantum-Logic Aptamer Analyte detection (Q-LAAD) mise sur la fluorescence de ces molécules en présence de protéines spécifiques au SRAS-Cov-2. Ce test s’effectue en quelques minutes, à bas coût et sur un très grand nombre d’échantillons simultanément ». Pour le chercheur, cette nouvelle demande correspond à un « scale-up », c’est à dire à la synthèse en plus grande quantité d’une molécule déjà testée dans le cadre d’une première prestation.

 

À Clermont-Ferrand, face à l’urgence, c’est le branle-bas de combat pour rouvrir le laboratoire. En un temps record, le délégué régional du CNRS Rhône Auvergne et l’Université de Clermont Auvergne se mobilisent pour délivrer les autorisations nécessaires. Un collègue universitaire secouriste du travail, Xavier Farge, est même détaché spécialement pour assurer la sécurité du bâtiment.  « L’institution a fait preuve d’une grande réactivité. Les délais habituels ont été largement réduits. La chargée d’affaires au service partenariat et valorisation, Isabelle Ouillon, a rédigé un contrat de prestation en moins de trois jours, un temps record ! » précise Arnaud Gautier. Le chercheur réintègre le laboratoire. Les couloirs, les salles de réunion sont déserts. « La gestionnaire, Carole Turpin, a pu commander les produits dont j’avais besoin pour la synthèse de la molécule. Et en l’absence des services techniques, j’ai réalisé les analyses ». En quelques semaines, les cinq grammes de réactifs fluorescents sont synthétisés, envoyés aux États-Unis. Ils doivent intégrer la production de plus d’un million de tests de dépistage du coronavirus. Prochaine étape : l’approbation par la Food & Drug Administration américaine pour homologation et mise sur le marché.

 

Interrogé sur le secret d’une prestation réussie en plein confinement, Arnaud Gautier avance l’importance des liens forts tissés avec les doctorants et des étudiants passés par le laboratoire. « De la qualité de l’encadrement de doctorants naissent des collaborations fructueuses et de long terme » insiste le chercheur. « Confiné ou pas confiné, une fois le réseau créé, le chercheur n’a plus qu’à être réactif, inventif, tenir les plannings, discuter, s’adapter ».

Cécile Dupuch