Compter les photons grâce à des molécules fluorescentes
Au sein d'un vaste consortium européen regroupant scientifiques et industriels, des équipes de l'École normale supérieure, de Sorbonne Université et du CNRS ont élaboré deux méthodes pour mesurer avec précision une intensité lumineuse. Cette nécessité croissante dans de nombreuses technologies trouve également une grande utilité dans l'étalonnage d'instruments. Les protocoles ont été publiés dans la revue Nature Methods.
De la photothérapie à la microscopie en passant par la dépollution de l'eau, la lumière s'est imposée comme l'outil indispensable de nombreuses technologies. Pour ces applications comme dans des domaines de recherche plus amonts qui utilisent la lumière, chimistes, biologistes, physiciens et ingénieurs s'efforcent de mesurer avec précision le nombre de photons impliqués dans chaque processus physico-chimique ou biologique impliqué. Cependant, les approches existantes manquent de polyvalence et sont complexes à utiliser. Par exemple, la plupart des méthodes ne peuvent pas quantifier simultanément l'intensité lumineuse et la distribution spatiale de la lumière, ou alors elles ne peuvent le faire que dans une plage limitée de longueurs d'onde et d'intensités. Ainsi, la question demeure : comment compter facilement et précisément les photons de toutes sortes de sources lumineuses ?
Dans le cadre du projet DREAM financé par le Conseil européen pour l'innovation (EIC) et dirigé par Ludovic Jullien du laboratoire PASTEUR (Processus d'activation sélectif par transfert d'énergie uni-électronique ou radiatif – CNRS/ENS PSL/ Sorbonne Université), un vaste consortium de chimistes, biologistes et physiciens s'est attaqué à cette question. Les scientifiques ont cherché des approches alternatives qui seraient à la fois plus simples, plus polyvalentes et plus précises. Ils ont ainsi développé deux protocoles complémentaires utilisant des actinomètres novateurs, des systèmes physiques ou chimiques capables de compter les photons. Basés sur la fluorescence et utilisant des colorants organiques et des protéines, ils se sont révélés rapides, sensibles et adaptables à divers systèmes d'imagerie.
Le premier protocole utilise cinq actinomètres moléculaires couvrant l'ensemble du spectre des ultraviolets et de la lumière visible. Ces systèmes moléculaires émettent des signaux fluorescents lorsqu'ils absorbent la lumière d'excitation à quantifier. Dans certaines conditions, ce protocole peut également cartographier la distribution spatiale de l'intensité lumineuse. Le deuxième protocole complète les actinomètres fluorescents du premier pour couvrir l'ensemble du spectre des longueurs d'onde. Cette fois, un fluorophore stable, substance chimique capable de réémettre de la lumière lorsqu'elle est excitée par la lumière, permet de recalculer l'intensité lumineuse d'une longueur d'onde à une autre. Ensemble, les deux protocoles peuvent être utilisés même à faible luminosité, sur des périodes courtes et des plages étendues de longueurs d'onde.
L'équipe de recherche a appliqué avec succès ces protocoles pour caractériser la distribution spatiale de la lumière dans différents systèmes d'imagerie par fluorescence, ainsi que pour étalonner l'éclairage dans des instruments commercialement disponibles et des sources lumineuses. Ces protocoles, présentés dans la revue Nature Methods et désormais accessibles à l'ensemble de la communauté scientifique et industrielle, offrent une nouvelle opportunité d'affiner la compréhension des interactions lumière/matière, en particulier pour les spécimens biologiques et photosynthétiques.
Rédacteur: AVR
Référence
Fluorescence to measure light intensity
Aliénor Lahlou, Hessam Sepasi Tehrani, Ian Coghill, Yuriy Shpinov, Mrinal Mandal, Marie-Aude Plamont, Isabelle Aujard, Yuxi Niu, Ladislav Nedbal, Dusan Lazár, Pierre Mahou, Willy Supatto, Emmanuel Beaurepaire, Isabelle Eisenmann, Nicolas Desprat, Vincent Croquette, Raphaël Jeanneret, Thomas Le Saux & Ludovic Jullien
Nature Methods 2023