Comment booster la dégradation des PFAS par radiolyse

Résultats scientifiques

Face à l’urgence que pose leur accumulation dans l’environnement, la recherche se mobilise pour trouver des solutions de dégradation des PFAS. Une étude parue dans la revue Environmental Science and Technology et menée par des chimistes français et chinois montre que, en présence de sulfite, il est possible de multiplier par un facteur 15 la dégradation de petites molécules perfluoroalkylées par des rayonnements ionisants (radiolyse). 

Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) forment une grande famille de composés chimiques utilisés depuis les années 1940 pour leurs propriétés uniques de résistance à la chaleur, à l'eau et aux graisses. Ils sont ainsi devenus indispensables dans de très nombreux produits du quotidien comme les ustensiles de cuisine antiadhésifs, les emballages alimentaires, les vêtements et textiles imperméables, les mousses anti-incendie et certains produits ménagers, cires ou peintures.

Malheureusement, ces substances n’ont pas volé leur appellation de "polluants éternels". Sans intervention extérieure, ces composés chimiques extrêmement stables finissent par se retrouver dans l’environnement et y persistent indéfiniment. Un peu moins d’un siècle d’utilisation a suffi à leur accumulation progressive dans les sols et les eaux, au point d’affecter la faune et la flore et de devenir une menace environnementale et de santé publique. La solution est bien évidemment de trouver des substituts à ces molécules aux propriétés exceptionnelles. Des scientifiques à travers le monde déploient une ingéniosité sans précédent pour relever ce défi. En parallèle, d’autres équipes cherchent activement des méthodes de dégradation efficaces pour les composés déjà accumulés dans l’environnement, en particulier les cours d’eau et les nappes phréatiques. La filtration sur charbon actif, l’électrochimie et la radiolyse (décomposition par un rayonnement) sont étudiées. Pour cette dernière, une approche prometteuse pour détruire les PFAS en solution dans l’eau consiste à utiliser des électrons hydratés (eaq⁻), générés par la photoexcitation de certains composés comme le sulfite (SO3²⁻). Mais la liaisons carbone-fluor (C-F) est parmi les plus stables et force est de constater que les rendements énergétiques stagnent.

Dans une étude parue dans la revue Environnemental Science and Technology, des chimistes du CNRS et de l’Université Paris-Saclay, en collaboration avec une équipe chinoise de l’Université de Hefei, revisitent la recette la plus utilisée en radiolyse, et en particulier le rôle du sulfite et de sa concentration dans le milieu traité. Longtemps perçu comme nécessaire pour générer les électrons hydratés qui s’attaquent en solution à la liaison C-F, le sulfite SO32- s’avère jouer un second rôle plus sélectif sur la rupture de cette liaison tenace. Les scientifiques ont observé directement la réaction de l’électron hydraté avec les PFAS et ont montré que la défluoration (rupture des liaisons C-F au profit de liaisons C-H) peut être multipliée par un facteur 15, surtout pour des chaînes courtes. Ils ont qui plus est montré que cette activité n’est pas reliée au radical SO3-°, contrairement aux hypothèses couramment avancées. Cette étude remet non seulement en question des paradigmes existants, mais ouvre surtout la voie à des traitements plus efficaces de ces contaminants hautement persistants par radiolyse. L’équipe compte à présent mieux élucider le mécanisme d’action précis du sulfite dans la dégradation des PFAS par radiolyse.

Rédacteur : AVR

Référence

Overlooked Activation Role of Sulfite in Accelerating Hydrated Electron Treatment of Perfluorosulfonates
Zhiwen Jiang, Sergey Denisov, Daniel Adjei, Mehran Mostafavi & Jun Ma
Environmental Science and Technolgy 2024

https://doi.org/10.1021/acs.est.4c01444

© Mehran Mostafavi

Contact

Mehran Mostafavi
Chercheur à l'Institut de chimie physique (CNRS/Université de Paris Saclay)
Communication CNRS Chimie