CNRS Chimie accueille Thuc-Quyen Nguyen en tant qu'Ambassadrice des Sciences Chimiques
Le 7 mars 2025, Thuc-Quyen Nguyen, professeure de chimie à l’Université de Californie à Santa Barbara, entamera une série de conférences dans plusieurs laboratoires de CNRS Chimie en tant qu'Ambassadrice des Sciences Chimiques en France. Spécialiste des dispositifs électroniques organiques – photovoltaïques, photodétecteurs, transistors électrochimiques et capteurs – elle conçoit de nouveaux matériaux, procédés et architectures visant à améliorer leurs performances et favoriser leur commercialisation sous forme de technologies légères et flexibles.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux matériaux semi-conducteurs organiques pour l’électronique ?
Mon intérêt pour l’énergie et l’éclairage remonte à mon enfance au Vietnam. Née dans les dernières années de la guerre, j’ai grandi dans des villages sans électricité pendant 16 ans. Ma famille a tout perdu lorsque notre maison a été incendiée pendant le conflit, et nous avons dû faire face à de nombreuses privations : manque de nourriture, d’eau potable et de vêtements. Je rêvais de pouvoir capturer la lumière du soleil dans un bocal pour étudier le soir. À 21 ans, j’ai immigré aux États-Unis avec peu de ressources et sans parler anglais. Mais la curiosité et la créativité m’ont guidée vers une carrière scientifique.
Un moment clé de mon parcours a été ma collaboration avec l’équipe R&D d’IBM, où j’ai pris conscience du potentiel de la recherche pour créer des technologies concrètes. À mon arrivée à l’Université de Californie à Santa Barbara, j’ai décidé de concentrer mes travaux sur les cellules solaires organiques, les diodes électroluminescentes (OLED), puis d’élargir mon champ d’étude à d’autres dispositifs électroniques organiques.
Aujourd’hui, mon équipe explore les matériaux semi-conducteurs organiques, en étudiant leurs propriétés physiques et leurs relations structure-fonction afin d’optimiser leurs performances. Nous cherchons à comprendre comment la structure moléculaire et les méthodes de fabrication influencent leur efficacité, leur stabilité et leur durabilité. Nos recherches visent des applications variées : photovoltaïque organique (OPV), photodétecteurs, transistors, LED et biocapteurs.
Quelles avancées attendez-vous dans les 5 à 10 prochaines années pour ces dispositifs ?
Les semi-conducteurs organiques sont des matériaux à base de carbone dont la structure électronique leur permet d’absorber la lumière, des ultraviolets jusqu’au proche infrarouge. Ils présentent des atouts uniques : légèreté, flexibilité mécanique, faible coût et fabrication simplifiée via des techniques comme l’impression par jet d’encre ou le revêtement en rouleau. Cette « révolution de l’électronique organique » ambitionne de créer des dispositifs complexes grâce à des procédés d’impression simples.
Dans les 10 prochaines années, je m’attends à une expansion majeure des dispositifs électroniques portables dédiés au suivi médical, offrant des diagnostics en temps réel et non invasifs. Les cellules photovoltaïques organiques (OPV) s’intégreront davantage aux bâtiments, gratte-ciels et serres agricoles, produisant une énergie renouvelable tout en préservant l’esthétique architecturale. Ces avancées seront rendues possibles par l’amélioration des matériaux, des dispositifs et des techniques de fabrication à grande échelle.
En tant qu’Ambassadrice des Sciences Chimiques du CNRS, qu’attendez-vous le plus de votre tournée en France ?
J’ai toujours aimé rendre visite à mes nombreux collègues français, et me réjouis particulièrement de rencontrer de jeunes chercheurs – étudiants et postdoctorants – ainsi que d’élargir mon réseau scientifique. Découvrir de nouveaux projets et infrastructures de pointe sera une expérience précieuse, et j’espère établir de nouvelles collaborations. La science est bien plus enrichissante lorsqu’elle se construit dans l’échange et le partage. L’un des moments forts de mon voyage sera ma visite à l’Université de Lille, qui possède l’un des meilleurs centres de RMN au monde. Mon travail a largement bénéficié de cette infrastructure grâce à ma collaboration avec le professeur Manju Reddy, et j’ai hâte d’approfondir cette relation scientifique.
Au-delà de mes collaborations académiques, je souhaite également faire connaître la Fondation VinFuture, que j’ai cofondée en 2020 au Vietnam pour récompenser les percées scientifiques ayant un impact concret sur des millions de vies. Le Prix VinFuture comprend une récompense principale de 3 millions de dollars, ainsi que trois prix spéciaux de 500 000 dollars chacun, attribués aux innovations dans les domaines émergents, aux femmes scientifiques et aux chercheurs des pays en développement. Je compte mieux faire connaître les Prix VinFuture et espère recevoir des candidatures de la part du CNRS.
Propos recueillis par AVR
Calendrier des conférences de Thuc-Quyen Nguyen
- 07/03/2025 - Bordeaux - Laboratoire de l'intégration du matériau au système (contact : Guillaume Wantz et Lionel Hirsch)
- 11/03/2025 - Lille - Unité de catalyse et de chimie du solide (contact : Manjunatha Reddy)
- 14/03/2025 - Paris - UFR Chimie Sorbonne Université, Institut parisien de chimie moléculaire (contact : Souhir Boujday et Lydia Sosa Vargas)