CNRS Chimie accueille Paolo Carloni en tant qu'Ambassadeur CNRS des sciences chimiques
Le 10 décembre 2024, Paolo Carloni, professeur de biophysique computationnelle à l'université d'Aix-la-Chapelle (Allemagne) et directeur de l'Institut de biomédecine computationnelle au Forschungszentrum Jülich (Allemagne) débutera une série de conférences dans plusieurs laboratoires français du CNRS en tant qu'Ambassadeur CNRS des sciences chimiques en France1 . Le professeur Paolo Carloni développe et applique des méthodes de simulation moléculaire dans le but de comprendre les processus biomoléculaires, en se concentrant actuellement sur la neurotransmission dans le cerveau humain.
- 1En 2019, CNRS Chimie a initié le programme « Ambassadeurs des sciences chimiques en France ». Son ambition ? Permettre à de prestigieux chercheurs étrangers de visiter une série de laboratoires français actifs dans leur domaine. Ces visites comprennent non seulement des conférences de haut niveau par l ambassadeur, mais sont également une occasion d établir des contacts préliminaires et de favoriser des collaborations internationales pour les laboratoires français visités.
Les simulations biomoléculaires sont des méthodes très populaires dans la communauté scientifique pour résoudre des problèmes d'ordre biologique et même pharmacologique. Quelles en sont les raisons et en quoi votre recherche est-elle pionnière dans ce domaine ?
Les simulations de dynamique moléculaire (DM) qui utilisent des méthodes de mécanique statistique peuvent prédire la dynamique, les chemins énergétiques et même la cinétique de processus biologiques au niveau moléculaire. Le principe de base de la dynamique moléculaire est très simple : on utilise la deuxième loi de Netwon1 pour décrire les mouvements des protéines ! Ce principe fonctionne étonnamment bien dans la plupart des cas, mais pas dans tous. L'ingrédient de base de la DM est une fonction d'énergie potentielle (ou « champ de force »), généralement obtenue de manière empirique, qui décrit les interactions entre les atomes du système.
J'ai eu la chance de commencer mon doctorat (au début des années 90) alors que les premières méthodes permettant d'effectuer des simulations « « rigoureuses » à température ambiante et pression atmosphérique venaient d'être mises au point. J'ai également eu la chance d'avoir comme conseiller le professeur Michele Parrinello, qui a apporté de nombreuses contributions décisives à la dynamique moléculaire pour des applications dans le domaine médical.
À l'époque, j'ai été le premier à réaliser des simulations de DM basées utilisant des concepts de mécanique quantique qui ont parfois conduit à des résultats très différentes de ceux obtenus avec des calculs utilisant des champs de force. Ces simulations sont certes coûteuses en temps de calcul, mais elles peuvent être intégrées dans un schéma hybride de mécanique quantique/mécanique moléculaire (développé par Warshel et Levitt) qui permet de prendre en compte l'ensemble du système biologique (par exemple, une protéine ou un complexe protéine/ADN) et de ne pas se limiter seulement à un fragment représentatif. Ces calculs requièrent de grands ordinateurs parallèles tels que ceux dont nous disposons sur notre campus de Jülich.
Au cours de mon doctorat, j'ai également prédit pour la première fois la dynamique structurelle de protéines contenant des ions de métaux de transition multinucléaires : un véritable défi en terme de calcul car la stéréochimie des sites métalliques était dictée par leur structure électronique qu’il fallait prendre en compte dans les calculs. J'ai également commencé très tôt à réaliser des simulations multi-échelle, dans lesquelles des simulations atomistiques de DM étaient réalisées en même temps que des simulations basées sur des modèles simplifiés : cette approche permettait d'étendre les résultats d'un système unique à des classes entières de protéines.
Quels sont les progrès à venir dans ce domaine au cours des prochaines années ?
Grâce à la dynamique moléculaire, les scientifiques comprennent aujourd'hui les forces motrices à l'origine de nombreux processus pilotés par de grandes structures assemblées, telles que le pore nucléaire ou le ribosome. L'avènement d'ordinateurs incroyablement puissants (tels que les machines exascales, dont l'une arrivera à Jülich dans les prochains mois), combiné à la puissance des approches d'intelligence artificielle, élargit considérablement le champ d'application de la modélisation moléculaire jusqu’à la description de mouvements biomoléculaires sur des échelles de longueur et de temps sans précédent. Ces progrès pourraient révolutionner notre compréhension des processus biologiques fondamentaux, avec des applications en biotechnologie ou pour la conception de nouveaux médicaments.
En tant qu'ambassadeur des sciences chimiques en France, avez-vous des attentes particulières pour cette tournée ?
La France est très forte dans des domaines comme la chimie calculatoire et la biophysique. J'espère que cette visite débouchera sur de nombreuses nouvelles interactions et collaborations fructueuses.
Rédacteur : CCdM
- 1La deuxième loi de Newton décrit la relation entre la force exercée sur un objet, sa masse et l accélération qu il subit. Elle est utilisée en mécanique classique pour prédire comment les forces influencent les mouvements.
Programme des conférences de Paolo Carloni
- 10/12/2024 - Paris - Laboratoire de Biochimie Théorique (Marc Baaden)
- 11/12/2024 - Nancy - Laboratoire de Physique et Chimie Théoriques (Dragi Karevski)
- 12/12/2024 - Strasbourg - Institut de chimie (Marco Cecchini)
- 13/12/2024 - Marseille - Bioénergétique et ingénierie des protéines (Anabella Ivancich)