Cécile Monteux ou la dynamique des mousses
Curieuse invétérée, Cécile Monteux, physico-chimiste au laboratoire Sciences et ingénierie de la matière molle (CNRS/ESPCI-PSL/Sorbonne Université) se demande comment les mousses et les émulsions, dont elle est spécialiste, pourraient être utilisées pour le recyclage des métaux ou la purification de l’eau.
« Ce qui me motive, c’est de réfléchir à des défis sociétaux et de les transformer en questions scientifiques que je peux étudier », explique Cécile Monteux, directrice de recherche CNRS à l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris, spécialiste des mousses.
Le mot-clé qui définit la carrière de cette chercheuse pourrait être interface. Interface entre disciplines, puisque ses recherches mêlent physique et chimie, interface entre l’air et les liquides, puisque les mousses se caractérisent par une immense surface de contact entre ces deux compartiments. À 45 ans, cette scientifique se réjouit de disposer d’une grande liberté pour choisir ses sujets de recherche. Pourtant Cécile Monteux ne pensait pas à une carrière de chercheuse lorsqu’elle entre en école d’ingénieur à Strasbourg, ni même lorsqu’elle se lance dans une thèse de doctorat à l’ENS. « A cette époque, mon souhait c’était d’entrer dans le privé », confie-t-elle. Mais à l’ENS, elle prend goût à la recherche. « Pour monter des manipulations, j’ai dû utiliser toutes sortes de machines, perceuses, fraiseuses, fers à souder. C’était enthousiasmant d’expérimenter ! ».
Après un postdoctorat à Stanford, en Californie, Cécile Monteux entre au CNRS en 2007. Au laboratoire Sciences et ingénierie de la matière molle (CNRS/ESPCI-PSL/Sorbonne Université), elle s’efforce de comprendre comment les interactions entre espèces chimiques et la dynamique à l’interface air-liquide déterminent les propriétés physiques de mousses. Les retombées potentielles sont nombreuses puisque les mousses sont le cœur de métier de nombreuses industries. Par exemple, les fabricants de shampooings ou de lessives, ou encore, dans l’agroalimentaire, les producteurs de gâteaux et de mousses-dessert. Dans le bâtiment, les mousses permettent d’isoler et d’utiliser moins de matériaux de construction. Des firmes, parmi lesquelles Saint-Gobain, font appel à l’expertise de Cécile Monteux. Un autre exemple de collaboration avec le privé ? Avec un parfumeur, elle cherche à encapsuler des gouttelettes de parfum dans des membranes de polymères afin que les essences volatiles ne s’évaporent pas trop vite.
Mais les mousses recèlent bien d’autres pouvoirs. Par exemple, celui d’accélérer certaines réactions chimiques. Cécile Monteux voudrait mettre à profit cette propriété pour aider au recyclage des métaux que l’on trouve dans les appareils électroniques. Cécile Monteux a montré que les réactions d’oxydation employées pour récupérer ces métaux sont accélérées lorsqu’elles ont lieu au sein d’une mousse. Un résultat encourageant qui la mène, au travers d’un projet ANR, à pousser plus loin cette idée d’application des mousses. Autre recherche en cours dans le domaine du développement durable : utiliser les réseaux de cavités élastiques qui conforment un hydrogel pour la filtration et la purification de l’eau.
En plus de son travail de recherche, Cécile Monteux aime partager la science avec le grand public, et en particulier avec les plus jeunes. Elle a ainsi participé à des émissions télé pour la jeunesse ou fait des démonstrations auprès d’élèves d’école et de collège. Son but ? « Il faut attirer les jeunes vers les laboratoires. C’est important de susciter des vocations, car pour résoudre les défis sociétaux et environnementaux, il faut des chercheurs ».
A retrouver sur la chaîne youtube Zeste de science du CNRS : Ces bulles éclatent...les déchets électroniques
Sebastian Escalon