Capturer le CO₂ avec souplesse et efficacité

Résultats scientifiques

Un pas décisif pour la capture du CO₂ est franchi dans une étude qui vient de paraitre dans Science Advances. Des scientifiques ont conçu des membranes souples, baptisées Rubbery Organic Frameworks, qui allient perméabilité et sélectivité. Cette avancée prometteuse pourrait transformer le captage du CO₂ industriel en un procédé plus efficace et économiquement viable.

La combustion des énergies fossiles, les industries de l’acier et du ciment, les raffineries et les transports sont les principales sources d’émissions de dioxyde de carbone (CO₂). Une solution prometteuse pour réduire ces émissions consiste à développer des technologies de captage adaptées à chaque source de CO2, en particulier le volume de gaz émis, sa composition et les contaminants qu’il contient. Parmi les solutions existantes, les membranes de séparation sont économes en énergie, simples d’utilisation et facilement déployées à grande échelle. Concrètement, on retrouve des membranes rigides à base de polymères vitreux, idéales pour les applications qui nécessitent une séparation précise mais qui manquent de vitesse, et des membranes caoutchouteuses plus flexibles qui permettent une séparation rapide, cette fois au détriment de la précision. Quant au matériau idéal qui allierait sélectivité et perméabilité, il demeure au cœur des efforts de recherche et d'innovation.

Dans ce contexte, une équipe de recherche internationale menée par des chimistes de l’Institut européen des membranes (CNRS/ENSCM/Université de Montpellier) a mis au point une nouvelle catégorie de matériaux qui pourraient bien être la solution : les réseaux organiques caoutchouteux (ROFs). Ces membranes innovantes exploitent une structure hybride : des polymères élastiques, capables de transporter efficacement le CO₂, associés à des structures cristallines qui agissent comme des tamis moléculaires. Grâce à des liaisons réversibles contrôlées au niveau moléculaire, les ROFs forment des films stables et robustes dont la porosité transitoire et fluctuante permet d’éviter les défauts liés aux matériaux poreux classiques.

Le résultat ? Une grande perméabilité et une sélectivité pour le CO₂ bien au-dessus des standards actuels. De plus, leur performance est renforcée en présence de vapeur d'eau, un atout majeur puisque la plupart des gaz industriels contiennent de l'humidité. Faciles à produire sous forme de films homogènes et robustes, les ROF s’avèrent idéales pour des utilisations industrielles à grande échelle. Elles sont particulièrement adaptées au captage du CO₂ dans des environnements humides, comme les fumées industrielles, où elles surpassent les membranes traditionnelles en polymère ou en matériaux poreux.

Cette avancée, publiée dans la revue Science Advances, ouvre la voie à des procédés de captage du CO₂ plus durables et économiquement viables. En combinant perméabilité, sélectivité et facilité de mise en œuvre, les ROF pourraient devenir un pilier des technologies de capture et de stockage du carbone, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. Les prochaines étapes incluent l’optimisation de leur production à grande échelle et leur intégration dans des systèmes industriels.

Rédacteur : AVR

Référence

Rubbery organic frameworks (ROFs) toward ultrapermeable CO2-selective membranes
Marius Sandru, Marie Prache, Thomas Macron, Lidia Căta, Mehmet Göktuğ Ahunbay, May- Britt Hägg, Guillaume Maurin & Mihail Barboiu
Science Advances 2024
https://doi.org/10.1126/sciadv.adq5024

Contact

Mihail Barboiu
Chercheur à l'Institut européen des membranes (CNRS/ENSCM/Université de Montpellier)
Communication CNRS Chimie