Avec le projet senseApest, des détecteurs pour prévenir l’invasion de nouveaux ravageurs de plantes dans l’Union Européenne
Et s’il était possible de détecter les nuisibles attaquant les plantes de façon rapide et non invasive avant leur importation dans l’Union Européenne ? C’est le pari de Stéphane Le Calvé, directeur de recherche à l’Institut de chimie et procédés pour l'énergie, l'environnement et la santé et coordinateur d’un nouveau projet collaboratif dans le cadre du programme Horizon Europe.
Bien qu’elle soit exportatrice nette en termes de production agroalimentaire, l’Union Européenne importe également de nombreuses denrées alimentaires, notamment des fruits et légumes mais également des jeunes plantes, arbustes ou arbres. Pour satisfaire aux exigences sanitaires fixées par la réglementation européenne et éviter d’introduire de la matière végétale contaminée sur le territoire, il est nécessaire d’inspecter ces plantes avant de les importer. Seulement, le processus actuel est laborieux : le contrôle visuel et l’échantillonnage physique via des kits de détection à base de molécules ou d’anticorps nécessitent en effet beaucoup de main d’œuvre.
C’est là qu’intervient Stéphane Le Calvé. Directeur de recherche à l’Institut de chimie et procédés pour l'énergie, l'environnement et la santé1 , il s’est d’abord intéressé à la chimie hétérogène dans l’atmosphère, autrement dit, la chimie des nuages. « Puis, un peu plus avancé dans ma carrière, je suis redescendu sur Terre », sourit le chercheur strasbourgeois. « Aujourd’hui, je travaille sur la pollution de l’air induite par les composés organiques volatils ou COV, et en particulier sur des méthodes analytiques et des nouveaux instruments pour détecter ces espèces. »
Quel lien avec l’agriculture ? « Quand elles sont attaquées par un ravageur, qu’il s’agisse d’un champignon ou d’un insecte, les plantes émettent de nouveaux COV en réponse à l’agression. Il arrive aussi que les ravageurs eux-mêmes en produisent », explique Stéphane Le Calvé. Dès lors, en détectant les composés organiques volatils spécifiquement émis par les plantes infestées, il devient alors possible de détecter la présence de ces nuisibles. Et ce, de façon rapide et non invasive : de quoi grandement faciliter le dépistage des plantes infestées à la frontière de l’Union Européenne.
Convaincue de l’efficacité et de l’originalité de cette nouvelle approche, l’équipe de Stéphane Le Calvé s’est d’abord associée à un premier projet européen, baptisé PurPest, porté par l’Institut norvégien de bioéconomie (NIBIO). Dans ce cadre, les chercheurs se sont concentrés sur l’identification des molécules liées aux ravageurs, puis ont développé conjointement un premier prototype d’un analyseur portable de COV. Tout l’enjeu étant de miniaturiser l’appareil pour qu’il soit plus maniable, sans perdre en sensibilité. Pour ce dernier point, le chercheur strasbourgeois a pu déployer son expertise, développée notamment au sein du laboratoire commun anaVOC avec l’industriel Chromatotec.
Forts de leur succès, les scientifiques ont transformé l’essai avec un nouveau projet européen, senseApest, dont Stéphane Le Calvé est désormais coordinateur2 . Rassemblant onze partenaires venus de Norvège, d’Italie ou encore de Suisse, senseApest réunit également plusieurs disciplines complémentaires : des spécialistes de chimie analytique et du développement des capteurs mais aussi des biologistes et des économistes. « Avec ce nouveau projet, nous allons poursuivre les efforts menés dans le cadre de PurPest », détaille le chercheur. « En mettant plusieurs capteurs ou détecteurs en série, il sera possible d’analyser plus finement les différents facteurs de réponse des molécules émises par les plantes ou par les nuisibles vis-à-vis de chacun des détecteurs. Nous développerons également une base de données de ces molécules, qui viendra nourrir un algorithme permettant d’améliorer la précision du diagnostic. » Si elle est adoptée, l’unité de détection portable ferait économiser entre 0,31 et 1,08 milliard d’euros par an à l’Union Européenne en améliorant le processus d’inspection des plantes et en réduisant le risque d’une propagation de nuisibles.
Financé pour quatre ans à hauteur de 5,290 millions d’euros, dont 726 000 euros par le CNRS, le projet senseApest doit débuter en septembre 2025.
Rédacteur : CD
- 1ICPEES (CNRS/Université de Strasbourg)
- 2« Portable air analysis device for on-site pest detection during plants import controls » (senseApest) est un projet lauréat de l’appel HORIZON-CL6-2024-FARM2FORK-02 du Cluster 6 « Alimentation, bioéconomie, ressources naturelles agriculture et environnement ».
