Astate : mieux connaître la réactivité du radioélément en vue de nouvelles thérapies
Instable et très rare, l’astate est un radioélément insaisissable. Des chercheurs viennent pourtant de déterminer avec précision son aptitude à capter un électron (son affinité électronique), en couplant sa synthèse nucléaire avec une méthode de spectroscopie laser déployée au sein même de l’accélérateur de particules du CERN. Cette mesure expérimentale, confirmée par les calculs théoriques, permettra de mieux anticiper la réactivité des composés de l’astate, molécules d’intérêt pour la médecine nucléaire. Ces travaux conjointement initiés par des chimistes théoriciens du laboratoire CEISAM (CNRS/Université de Nantes) et des physiciens expérimentateurs du CERN en Suisse ont été publiés dans la revue Nature Communications.
L’astate, observé pour la première fois par synthèse nucléaire en 1940, est l’élément naturel le plus rare (on estime que la croûte terrestre en contient moins de 30 grammes) car il est également très instable (la moitié de ses noyaux se désintègrent en 8,1h maximum). Radioactif, rare, instable… ce radioélément est particulièrement complexe à étudier. Produit en très faible quantité (de l’ordre de 10-13 à 10-8 gramme), il reste invisible aux instruments classiques de spectroscopie.
Des chercheurs du CERN en Suisse, appuyés par des chimistes théoriciens du laboratoire CEISAM (CNRS/Université de Nantes), ont pourtant réussi à poser une valeur précise sur une des propriétés fondamentales de l’astate, en faisant parler une quantité infime de matière. Produisant en direct un jet d’anions astature (At-) par synthèse nucléaire au sein de l’accélérateur de particules et bombardant l’échantillon obtenu avec des lasers, les chercheurs ont déduit la quantité d’énergie libérée par la capture d’un électron par l’atome : l’affinité électronique. Cette valeur, confirmée par les calculs théoriques, est la 5e plus forte de toute la classification périodique. Elle valide d’une part la très grande stabilité de l’anion astature, et d’autre part elle est riche d’enseignements sur la réactivité de l’astate et celles de ses composés, en particulier ceux actuellement étudiés par les équipes de recherche nantaises pour des applications dans le traitement des cancers. Le radio-isotope 211 de l’astate présente en effet des caractéristiques physiques très prometteuses pour un usage en médecine nucléaire : ses rayonnements alpha pourraient permettre le développement de protocoles systémiques d’immunothérapie cancéreuse, un axe de recherche porté conjointement par le LabEx IRON (Innovative Radiopharmaceuticals in Oncology and Neurology) et l’EquipEx ArronaxPlus.
Références
The electron affinity of astatine, D. Leimbach, J. Karls, Y. Guo, R. Ahmed, J. Ballof, L. Bengtsson, F.B. Pamies, A. Borschevsky, K. Chrysalidis, E. Eliav, D. Fedorov, V. Fedosseev, O. Forstner, N. Galland, R.F. Garcia Ruiz, C. Granados, R. Heinke, K. Johnston, A. Koszorus, U. Köster, M.K. Kristiansson, Y. Liu, B. Marsh, P. Molkanov, L.F. Pasteka, J.P. Ramos, E. Renault, M. Reponen, A. Ringvall-Moberg, R.E. Rossel, D. Studer, A. Vernon, J. Warbinek, J. Welander, K. Wendt, S. Wilkins, D. Hanstorp, S. Rothe, Nat. Commun., 11, 3824 (2020)